Sébastien Jumel
Groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine
Député de Seine-Maritime
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,
Monsieur le Premier Ministre,
Voici donc le vent de fraicheur censé dépoussiérer et moderniser nos vieilles institutions !
Voici venue l’année des 2.000 disettes, du sang et des larmes.
Un Parlement humilié, une opposition sommée de se mettre au pas face au Bulldozer mis en marche. Optimisant, au profit de quelques-uns, les institutions d’une Vème République tombée en désuétude, la verticalité du pouvoir s’annonce maximale.
Votre intervention, Monsieur le Premier ministre, s’est contentée de nous expliciter «le grand dessein présidentiel».
Aucune surprise donc. Et pas plus de rêve ! Les classes populaires et les classes moyennes peuvent déjà mesurer que ce projet n’est pas pour elles mais pour celles qui les surplombent et les toisent.
Ce projet néo-libéral et technocratique, si éloigné du pays réel, n’a pas vocation à traiter des problèmes quotidiens du peuple :
Monsieur le Premier ministre, chers collègues : On n’est pas rien quand on ne réussit pas, sauf à confondre l’être et l’avoir !
Votre projet signe le renoncement à notre modèle de protection sociale, il signe l’avènement de la précarisation et de l’uberisation du travail. Plus dure sera la vie, et il faudrait s’y faire. Quant aux élites, elles, elles se frottent les mains.
Ce projet, il renonce au rêve républicain et à sa part centrale, celle de la République sociale. Un projet qui estompe de nos frontons l’égalité et la fraternité.
Monsieur le Premier Ministre, jamais dans notre histoire récente, les ailes de l’exécutif n’avaient fait autant d’ombre au pouvoir législatif !
Le Président de la République, dispose certes d’une très confortable majorité dans cet hémicycle, cependant le quart des suffrages recueilli sur son nom au premier tour dans un contexte politique troublé, ne lui confère pas la légitimité suffisante pour appliquer son programme sans discussion.
Dans la situation de crise politique dans laquelle nous sommes plongés, liquider une partie des droits des salariés, sans véritable débat, en deux mois, en ordonnant, est donc une folie.
Je doute d’ailleurs, Monsieur le Premier ministre, qu’au fond de vous-même cette méthode, que vous subissez plus que vous ne la choisissez, vous fasse rêver…
Nous, nous voulons, au contraire, dans cette enceinte, donner à voir, à entendre, le pays réel, ce qu’il vit, ce qu’il souffre, ce qu’il espère.
Une réalité amplifiée, quoique singulière dans les Outre-mer. Des territoires pour lesquels nous demanderons, lors des assises de l’outre-mer, la justice sociale, la reconnaissance des spécificités, le respect des identités.
Vous nous accuserez peut-être de dresser un noir portrait de cette réalité sociale que la majorité ne veut pas voir. Et pourtant : elle s’impose.
Dans le même temps, il existe une formidable énergie dans notre peuple qui n’en peut plus d’étouffer sous le joug de la loi du plus fort et de l’argent. Nous nous attacherons à la libérer.
Nous voulons vous parler, pour commencer, de l’industrie, de l’artisanat, plus largement du monde du travail et de l’emploi.
Une récente note de conjoncture de l’INSEE, s’appuyant sur un questionnaire adressé à des dirigeants d’entreprise, pointe l’absence de perspectives économiques comme obstacle principal au développement de l’activité et de l’emploi.
La question du code du travail n’apparaît que dans la queue de peloton des préoccupations de ces patrons.
Nous avons, dans nos circonscriptions, des témoignages qui vont dans le même sens : dans l’économie réelle, c’est l’investissement, la formation, le savoir-faire des salariés, la commande, dont la commande publique est un vecteur essentiel, et le soutien des banques qui jouent sur le niveau de l’emploi.
Et pas la mise en concurrence des entreprises entre elles, l’atomisation des relations sociales, la liquidation du droit du travail, la liquidation de ce qui fait la sève de la démocratie de proximité, la commune.
Je pourrais parler du renouveau industriel d’Alpine à Dieppe, du maintien de la filière verrière en vallée de la Bresle ou bien encore du nouvel équipement d’électrolyse à Kem One sur le site de Martigues : le savoir-faire des salariés, la possibilité de contrôler les manœuvres des fonds vautours grâce au droit du travail ou bien encore la ténacité des salariés : voilà ce qui a été moteur d’emploi ou protecteur d’emploi.
Mais cela vous préférez l’ignorer.
Mieux, vous demandez au monde ouvrier d’abandonner le syndicalisme qui protège pour un syndicalisme imaginé dans les salons parisiens. Un monde qui devrait renoncer à ce que justice soit rendue aux victimes de l’amiante.
Nous voulons vous parler de l’agriculture en détresse qui se débat dans un modèle dérégulé où le prix de vente du producteur ne couvre plus les coûts de production.
Et que promettez-vous à ce monde paysan ? Des traités transatlantiques, comme le CETA, qui seront aussi destructeurs pour notre filière alimentaire que pour notre environnement.
Vous parler de la pêche artisanale, ignorée des pouvoirs publics, de l’absence totale de planification des usages de l’espace maritime qui la menace.
Vous parler des ports français, que vous connaissez, qui doivent attendre désarmés, faute d’une stratégie nationale et d’investissements de l’Etat, que les places portuaires du Nord de l’Europe, bénéficiant des aménagements de l’axe Seine-Escaut, leur taillent des digues.
Vous parler des services publics de proximité qui tombent comme à Gravelotte dans les campagnes et pour lesquels l’objectif de diminution de 3% de la dépense publique fait craindre le pire.
Une désertification qui alimente le sentiment d’abandon, de relégation, le repli sur soi et la colère. Vous parlez de ces jeunes sans qualification et sans emploi sortis du système scolaire.
Vous parlez de la difficulté que l’on à ouvrir des formations aux métiers de l’industrie au cœur des bassins d’emploi éloignés des métropoles.
Vous parlez des fractures territoriales qui se creusent avec des métropoles «attrape-tout», d’un côté, des campagnes et villes moyennes en difficulté, de l’autre.
Nous voulons vous parler Monsieur le Premier Ministre, de l’école. Vous alerter sur la colère qui monte devant la multiplication des fermetures de classes dans nos villes et dans nos campagnes. Vous parlez de ces classes à 32 élèves sur 5 niveaux à la prochaine rentrée scolaire pour satisfaire en toute hâte la promesse de campagne de Monsieur Macron de ramener à 12 élèves les CP de REP +.
Votre gestion des nouveaux rythmes scolaires, en vous défaussant de vos responsabilités sur les maires, ébranle plus encore le caractère national de notre service public d’éducation.
Nous voulons vous parler de l’hôpital dont la présence sur le territoire se réduit par pans entiers. Dans le même temps, la population vieillit, les besoins de santé en proximité s’accroissent et les agences régionales suivant leur feuille de route de la tarification à l’activité serrent chaque jour davantage la vis.
Nous voulons vous parler, dans ce contexte, du désarroi de la communauté hospitalière, de tous ceux qui font métier d’apporter du soin ou d’aider au soin.
Face à cette France réelle, que nous propose le Président de la République, que nous proposez-vous, Monsieur le Premier ministre ?
Une réduction du rôle de l’Etat, de l’Etat protecteur, de l’Etat stratège, de l’Etat aménageur, de l’Etat producteur déjà singulièrement affaibli par dix ans d’une politique soumise aux injonctions de Bruxelles.
L’engagement providentiel d’organiser une conférence des territoires n’a de sens que s’il se débarrasse de l’étau austéritaire et s’il est accompagné dans chacun de nos territoires, par un moratoire préservant nos services publics de proximité.
Nous sommes profondément inquiets de votre annonce d’assassiner la commune ou le département.
Grâce à une habile conduite de la partie d’attrape-tout, politique qui permet de réunir tous ceux qui ont le néolibéralisme pour dénominateur de pensée commun, l’état de grâce est encore bien réel.
Il ne durera pas. Très vite, le brouillard des illusions se dissipera sur le mur de l’argent.
Il y a cinq ans de cela, la finance avait été désignée comme l’ennemi, elle fût finalement choyée. Les électeurs ne l’ont pas pardonné.
Aujourd’hui, vous avez annoncé vouloir câliner la finance par la hausse de la CSG, l’allègement de l’ISF et la baisse de l’impôt sur les sociétés.
Les mesures d’austérité annoncées pour les plus vulnérables et les mesures pour garantir le marché en son fonctionnement débridé pourraient rapidement faire redescendre Jupiter sur terre.
Il ne s’agit pas pour nous de pleurnicher mais de montrer ce que vous ne voulez pas voir.
Il y a des mouvements populaires auxquels vous ne pourrez échapper même en accélérant comme des chauffards sur la route.
Et vous chers collègues, qui parfois faites ici vos premiers pas en politique, vous aurez ces réalités aux trousses. Bientôt vous comprendrez que la compétence libérale ne résout rien.
Il existe des contradictions dans la société qui imposent que l’on prenne parti.
Le nôtre est sans ambiguïté : Le parti pris des gens contre le parti pris de l’argent
Le nôtre est sans ambiguité : l’engagement absolu contre l’évasion fiscale qui coûte 80 milliards d’euros par an à la France.
Vous voulez libérer les entreprises, nous, nous voulons libérer les hommes et le travail de l’emprise de la finance.
Voilà pourquoi les députés communistes ne voteront pas aujourd’hui la confiance au Gouvernement.
Quant aux députés d’outre-mer qui constituent avec nous le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ils assumeront leur pleine liberté de vote, en toute autonomie, comme c’est la règle dans notre groupe parlementaire.
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