A deux jours d’un scrutin sur l’autodétermination interdit par Madrid, le gouvernement régional catalan conirme qu’il le maintient et détaille les modalités d’organisation. Un appel au vote lancé à 5,3 millions de personnes.
« Finalement il y aura 2.315 bureaux de vote », dont 207 à Barcelone : à deux jours d’un référendum d’autodétermination interdit par Madrid, le gouvernement régional catalan a dit vendredi son objectif d’organiser le scrutin malgré les efforts de Madrid pour qu’il n’ait pas lieu. 2.315 bureaux, soit presque autant que les 2.700 installés lors des dernières élections régionales en 2015.
Lors d’une conférence de presse, le porte-parole du gouvernement régional catalan, Jordi Turull, a précisé que 5,3 millions d’habitants étaient appelés aux urnes et que quelque 7.300 personnes étaient impliquées pour assurer le bon fonctionnement des bureaux. Il a aussi présenté une urne en plastique blanc semi-transparent portant l’écusson de l’exécutif catalan. Les forces de l’ordre ont saisi des millions de bulletins de vote, mais recherchent toujours les urnes qui doivent être utilisées pour le scrutin. « Votez en faisant preuve de civisme et de responsabilité et ne répondez pas aux provocations de ceux qui chercheront à empêcher le vote » a exhorté pour sa part le Vice-Président régional Oriol Junqueras.
Face à la détermination du gouvernement régional, Madrid a multiplié les mesures judiciaires et les opérations policières ces dernières semaines. Elle a arrêté 14 personnes impliquées dans l’organisation du référendum, puis les a libérées, certaines sous contrôle judiciaire. Elle a également bloqué des dizaines de sites internet consacrés au vote. La justice aussi a imposé une amende de 12.000 euros par jour aux membres de la commission électorale pour avoir maintenu l’organisation du référendum malgré son interdiction par la Cour constitutionnelle. Du coup, les autorités catalanes ont décidé de dissoudre cette commission pour éviter les amendes.
La police catalane en porte à faux
Surtout, une juge a ordonné à la police la fermeture des lieux qui devraient accueillir des bureaux de vote, parmi lesquels des écoles, des centres sportifs ou encore des centres de santé.
Cette décision met en porte à faux la police régionale catalane, connue pour sa proximité avec la population. Elle a d’ores et déjà fait part de ses réserves sur ces mesures, alertant des « risques plus que prévisibles d’altération de l’ordre public qu’elles pourraient entraîner ». Mais le ministère de l’Intérieur, en charge de la coordination du dispositif de sécurité, a insisté pour que la police régionale intervienne. Il s’est cependant également assuré de la présence de plusieurs milliers d’agents de la police nationale et de la Garde civile envoyés en renfort dans cette région.
Rajoy soutenu par le silence de l’Europe
Même demandé par une majorité de Catalans par ailleurs divisé sur la réponse à apporter, le référendum n’est pas une option pour le gouvernement central. Derrière l’argument d’anti-constitutionnalité, Mariano Rajoy veut aussi sans doute éviter d’ouvrir une boîte de Pandore dans une Espagne fragile, une monarchie ultra-décentralisée où les régions ont des compétences très inégales. Il veut protéger l’image d’une Espagne qui se targuait de sortir de la crise et de s’être débarrassée des attentats des séparatistes basques de l’ETA.
Mais depuis le début du mois, l’État, ses juges, ses policiers, font face à des manifestants dans l’ensemble pacifiques munis d’oeillets rouges. Des pompiers, dockers, paysans ou lycéennes affichent leur unité autour de slogans comme « votarem » (nous voterons). Madrid a cependant réussi sur un point essentiel : même si les Catalans arrivent à voter en masse dimanche, l’exécutif régional n’a pu organiser un scrutin qui satisfasse les critères de reconnaissance internationale : il n’a pas de recensement électoral, la commission électorale n’existe plus, elle a démissionné pour éviter des amendes, les partis du « non » à l’indépendance boycottent le scrutin. Un point pour lequel il a été bien aidé par le mutisme de la communauté internationale et notamment de l’Europe.
La Marseillaise, le 30 septembre 2017
La crise économique qui a fortement frappé l’Espagne après 2008 et la décision de la Cour constitutionnelle de retoquer en 2010 le statut d’autonomie approuvé lors d’un référendum en 2006, à la suite d’un recours du conservateur Parti Populaire, ont notamment permis à l’indépendantisme de progresser de forme exponentielle ces dernières années. En septembre 2015, les indépendantistes ont obtenu la majorité des sièges au parlement régional, avec 47,6% des voix.
Le 6 septembre, ils convoquent un référendum malgré l’interdiction de la Cour constitutionnelle et sans véritable débat au parlement régional. Le défi lancé à l’Etat espagnol est sans précédent depuis presque 40 ans, estiment tous les dirigeants du pays. Depuis, ni les poursuites judiciaires ni les arrestations ou perquisitions n’ont dissuadé les séparatistes d’organiser le scrutin.
Aux lourdes amendes imposées aux organisateurs, ils opposent une quête militante. Quand on saisit leurs bulletins de vote, ils appellent les citoyens à en imprimer. Lorsque les sites internet sur le référendum sont bloqués, d’autres rouvrent à l’étranger.
Si plus de 70% des Catalans tiennent à ce que le débat soit tranché par le biais d’un référendum légal sein des sondages, la Catalogne reste divisée sur l’indépendance, en parts presque égales… jusque dans les familles.
La réalité de cette région qui assure 19% du PIB national est tout en nuances : elle a sa propre langue et culture mais sur ses 7,5 millions d’habitants, plus de la moitié viennent d’ailleurs ou sont enfants d’immigrés d’autres régions d’Espagne.
La Marseillaise, le 30 septembre 2017
Maires de P.O. L’association des maires des Pyrénées-Orientales a adressé un courrier de soutien aux élus de Catalogne « sans prendre parti dans le débat » mais pour défendre la « liberté d’opinion et d’expression ».
Intellectuels du Roussillon. Une cinquantaine d’intellectuels et artistes roussillonnais ont également signé un manifeste pour la tenue du référendum.
Syndicats. CGT, la CNT, EELV, le MRAP, NPA et Solidaires ont signé une déclaration commune pour protester « fermement contre les dangereuses et croissantes menaces répressives du gouvernement espagnol ».
Parti de gauche 66. Pourtant opposé au mouvement indépendantiste catalan, ale PG 66 a dénoncé « la réaction disproportionnée du gouvernement Rajoy, en contradiction avec les impératifs démocratiques ».
Footballeur. Le défenseur international du FC Barcelone Gerard Piqué a manifesté son soutien : « Ne leur donnons aucune excuse. C’est ce qu’ils veulent. Et chantons haut et fort. #Nous voterons ». un tweet devenu viral.
La Marseillaise, le 30 septembre 2017
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