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Contribution de JP Kaminker: Observations sur une politique nationale de l'éducation

 
 
 
 

Contribution de JP Kaminker: Observations sur une politique nationale de l'éducation

le 01 June 2011

Jean-Pierre Kaminker

 

Maître de conférences honoraire en sciences du langage

(Université de Perpignan et IUFM)militant communiste et pacifiste (Mouvement de la Paix)jp.kam@wanadoo.fr, 04 68 87 03 94 begin_of_the_skype_highlighting            04 68 87 03 94      end_of_the_skype_highlighting, 66400 Céret 19 mai 2011 Observations sur une politique nationale de l’éducation,telle qu’abordée dans le document intitulé : Ce que nous voulons ! (version de 60 000 signes mise à disposition à la suite du Conseil national du PCF tenu les 8 et 9 avril)    J’interviens sur le paragraphe intitulé : « Enseignement et recherche au service de toutes et tous » (page 3 du document imprimé), dans un sens qui tend à modifier fondamentalement l’orientation de ce texte. Je me doute que mes réflexions sont formulées  trop  tardivement pour pouvoir être prises en compte à ce stade de la rédaction de notre plate-forme électorale. Je crois néanmoins utile de les communiquer pour prendre date, persuadé que le débat méritera d’être poursuivi quel que soit l’avenir réservé au Programme populaire et partagé. I . Une critique de fond : la fonction éducative de l’édifice scolaire est sous-estimée       Aucune des mesures préconisées dans le paragraphe n’est visée dans ce qui suit.     Je déplore seulement que la finalité de l’action pédagogique soit indiquée exclusivement en termes d’accès aux savoirs (égalité d’accès aux savoirs sur tout le territoire ; appropriation de savoirs ambitieux ; élévation pour tous du  niveau de l’acquisition des savoirs ; construction de savoirs qui permettent de penser le monde), sans aucune indication explicite sur la visée éducative. Pour illustrer cette minoration de l’éducatif je prends le cas particulièrement criant de la culture de paix. Elle figure bien dans le programme, mais au titre de la politique internationale (p. 10), alors que dans l’optique que je défends elle mérite d’être placée au foyer de l’action pédagogique. Autre signe de cette minoration : le texte n’a rien à dire sur la formation des maîtres, considérée du point de vue de son contenu (il s’en tient à l’aspect institutionnel, en termes d’ailleurs excellents, en avançant notamment le principe du prérecrutement). J’ai donc peur que nous apparaissions comme insoucieux du fonctionnement présent du système éducatif en tant qu’instance de socialisation ; et insoucieux de la crise qu’il traverse à cet égard : énormité de l’échec scolaire concentré dans certains secteurs de l’institution, inquiétude devenue aujourd’hui générale devant la dégradation des mœurs scolaires qui accompagne l’échec : violence à l’école, crise de l’autorité, démotivation des personnels et des élèves, démissions de fonctionnaires stagiaires etc.  J’estime notamment que si nous n’avançons pas un projet de réforme hardi au plan éducatif, la mesure-phare, consistant à porter à 18 ans l’âge de l’obligation scolaire, risque d’être très mal comprise, notamment dans une large fraction du milieu éducatif, déjà très partagé sur le principe du collège unique. Certains, même à gauche, nous demanderont : pourquoi contraindre à rester dans l’institution deux années de plus des adolescents intenables, qui s’y sont montrés réfractaires jusqu’à leur seizième année ?  L’hypothèse sous-jacente à cette minoration du volet éducatif est que la crise sera surmontée dès lors que le changement institutionnel imposera les changements nécessaires dans les programmes et dans la pratique enseignante (faire l’école dont ceux qui n’ont qu’elle pour apprendre ont besoin). Mais c’est cette hypothèse qui mérite d’être mise en débat. Je soutiens personnellement que nous ne pouvons pas appeler à révolutionner l’école sans assumer de la façon la plus explicite des vues novatrices sur le terrain éducatif. D’où les suggestions qui suivent.  II. Pour une réorientation. II. 1. Inscrire la réforme scolaire dans la perspective d’un progrès civilisationnel Je soumets au débat l’idée suivante : le programme de transformation sociale que nous défendons implique des changements d’ordre civilisationnel. S’il doit être réalisé un jour c’est qu’il aura trouvé dans une modifications des mœurs les conditions de sa réussite, or cette modification elle-même ne peut pas se produire sans le concours du système éducatif.    Pour m’expliquer, j’énumère ci-après neuf objectifs tels qu’ils sont exprimés dans différentes sections du programme, hors du paragraphe consacré à l’école. Je considère que formulés ainsi ils impliquent tous un progrès dans les mœurs, par la conjonction de deux ordres de facteurs : d’une part des initiatives du pouvoir d’Etat (ex. : une loi contre etc.), d’autre part, au sein de la population, les dispositions nécessaires pour que ces initiatives soient porteuses d’effets (ex. l’effet d’une loi sur la représentation syndicale dans les très petites entreprises dépendrait de la proportion de salariés disposés à accepter un mandat.)    - lutte contre les communautarismes et intégrismes ; - application de cette loi (contre les violence faites aux femmes) en matière d’éducation - nous installerons dans les établissements scolaires une véritable éducation artistique - la « gouvernance » d’un tel pôle (pôle financier public) reposerait sur des pouvoirs nouveaux exercés par les représentants des salariés … et des usagers - nous lutterons contre l’emprise publicitaire et l’aliénation consumérist - un pôle public de l’énergie .. sous pilotage démocratique associant les citoyens - forums citoyens des sciences et de la technologie - (la constitution) reconnaîtra la citoyenneté d’entreprise - les délégués syndicaux interentreprises dans les TPE seront reconnus Rien de ce qui est dit là ne serait durablement viable sans que des individus soient en masse disposés à y contribuer. Mais l’école n’est-elle pas aujourd’hui de toutes les institutions celle qui est la mieux en mesure d’influer sur les dispositions ? a fortiori si elle scolarise la totalité des individus jusqu’à leur majorité ? II.2 Proposer explicitement un fondement nouveau pour l’éducation scolaire     Nous pourrions affirmer hautement que la finalité de l’action éducative est de former des personnalités disposées à la coopération. Cette affirmation de principe a deux corollaires. D’une part elle conduit à faire une critique sans concession de la pratique éducative actuellement mise en œuvre dans l’institution, telle qu’elle fonctionne. La coopération, comme principe explicite serait à faire valoir contre la concurrence, dont on peut montrer qu’elle est au fondement du fonctionnement réel du système éducatif, de façon soit explicite soit tacite selon les situations.    En dénonçant l’emprise du principe de concurrence sur l’éducation scolaire on explique au moins en partie le bilan catastrophique que présente l’école publique en matière de socialisation. Il y a un gouffre entre les prétentions officiellement affichées au titre de la formation à la citoyenneté et l’effet réel sur les personnalités issues du système ; effet constatable au niveau des mœurs à travers des données aussi élémentaires que la participation électorale ou le taux de syndicalisation.      Le second corollaire nous confronte à des responsabilités plus redoutables : il faut mettre en place les processus éducatifs adéquats à la finalité affichée, créer dès la petite enfance et maintenir jusqu’au bac l’habitude de définir ensemble des objectifs, et de mettre en œuvre en commun les moyens de les atteindre, y compris par l’interaction avec l’environnement institutionnel et la société globale. La recherche en éducation a produit là-dessus tout un patrimoine que je n’ai pas lieu d’exposer. Je veux seulement souligner que l’apprentissage de la décision me semble devoir jouer un rôle-clé dans cette éducation coopérative : il faudrait que l’école cultive chez les individus la connaissance des processus décisionnels qui ont un effet sur leur vie personnelle, et avec cette connaissance la volonté d’y prendre part ainsi que l’aptitude à le faire. L’avenir de la démocratie et son perfectionnement passent évidemment par là. II.3. Tirer parti d’un précédent : la réussite de la révolution éducative de 1882     Le programme d’une réforme scolaire présenté ainsi en termes civilisationnels, comme condition d’un progrès des mœurs, revêt une allure grandiose qui peut le faire passer pour utopique. Mais pour répondre à ce grief il est permis de montrer qu’à la fondation de l’école républicaine il y a eu de la part du pouvoir d’Etat une prise de parti très polémique sur la finalité de l’éducation. La loi du 23 mars 1882 commençait ainsi : L'enseignement primaire comprend : l'instruction morale et civique. Le même article abrogeait l’article 23 de la loi de 1850, dite Loi Falloux, qui stipulait : L'enseignement primaire comprend : L'instruction morale et religieuse. Renoncer à la religion comme fondement de l’éducation enfantine c’était heurter le sens commun de la plupart des Français. Est-ce qu’aujourd’hui un pouvoir de gauche ferait quelque chose de plus fracassant en écrivant dans une loi : « l’école publique forme des personnalités disposées à faire prévaloir en toutes circonstances la coopération sur la concurrence ? »    J’ajoute que le terrain civilisationnel sur lequel je propose que nous nous situions hardiment est celui sur lequel le pouvoir ne craint pas de s’avancer (Voir la Lettre aux éducateurs signée par Sarkozy au début de son mandat, et surtout la doctrine du Socle commun)                   J’adresse cette note à reseau.ecole-pcf@orange.fr, à mon collègue Stéphane Bonnéry, à mes amis du « Réseau ACTE » des P.O. , et à             des relations personnelles.         

A propos de cette contribution

le 01 June 2011

 

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Jean-Pierre Kaminker

 

Maître de conférences honoraire en sciences du langage

(Université de Perpignan et IUFM)militant communiste et pacifiste (Mouvement de la Paix)jp.kam@wanadoo.fr, 04 68 87 03 94 begin_of_the_skype_highlighting            04 68 87 03 94      end_of_the_skype_highlighting, 66400 Céret 19 mai 2011 Observations sur une politique nationale de l’éducation,telle qu’abordée dans le document intitulé : Ce que nous voulons ! (version de 60 000 signes mise à disposition à la suite du Conseil national du PCF tenu les 8 et 9 avril)    J’interviens sur le paragraphe intitulé : « Enseignement et recherche au service de toutes et tous » (page 3 du document imprimé), dans un sens qui tend à modifier fondamentalement l’orientation de ce texte. Je me doute que mes réflexions sont formulées  trop  tardivement pour pouvoir être prises en compte à ce stade de la rédaction de notre plate-forme électorale. Je crois néanmoins utile de les communiquer pour prendre date, persuadé que le débat méritera d’être poursuivi quel que soit l’avenir réservé au Programme populaire et partagé. I . Une critique de fond : la fonction éducative de l’édifice scolaire est sous-estimée       Aucune des mesures préconisées dans le paragraphe n’est visée dans ce qui suit.     Je déplore seulement que la finalité de l’action pédagogique soit indiquée exclusivement en termes d’accès aux savoirs (égalité d’accès aux savoirs sur tout le territoire ; appropriation de savoirs ambitieux ; élévation pour tous du  niveau de l’acquisition des savoirs ; construction de savoirs qui permettent de penser le monde), sans aucune indication explicite sur la visée éducative. Pour illustrer cette minoration de l’éducatif je prends le cas particulièrement criant de la culture de paix. Elle figure bien dans le programme, mais au titre de la politique internationale (p. 10), alors que dans l’optique que je défends elle mérite d’être placée au foyer de l’action pédagogique. Autre signe de cette minoration : le texte n’a rien à dire sur la formation des maîtres, considérée du point de vue de son contenu (il s’en tient à l’aspect institutionnel, en termes d’ailleurs excellents, en avançant notamment le principe du prérecrutement). J’ai donc peur que nous apparaissions comme insoucieux du fonctionnement présent du système éducatif en tant qu’instance de socialisation ; et insoucieux de la crise qu’il traverse à cet égard : énormité de l’échec scolaire concentré dans certains secteurs de l’institution, inquiétude devenue aujourd’hui générale devant la dégradation des mœurs scolaires qui accompagne l’échec : violence à l’école, crise de l’autorité, démotivation des personnels et des élèves, démissions de fonctionnaires stagiaires etc.  J’estime notamment que si nous n’avançons pas un projet de réforme hardi au plan éducatif, la mesure-phare, consistant à porter à 18 ans l’âge de l’obligation scolaire, risque d’être très mal comprise, notamment dans une large fraction du milieu éducatif, déjà très partagé sur le principe du collège unique. Certains, même à gauche, nous demanderont : pourquoi contraindre à rester dans l’institution deux années de plus des adolescents intenables, qui s’y sont montrés réfractaires jusqu’à leur seizième année ?  L’hypothèse sous-jacente à cette minoration du volet éducatif est que la crise sera surmontée dès lors que le changement institutionnel imposera les changements nécessaires dans les programmes et dans la pratique enseignante (faire l’école dont ceux qui n’ont qu’elle pour apprendre ont besoin). Mais c’est cette hypothèse qui mérite d’être mise en débat. Je soutiens personnellement que nous ne pouvons pas appeler à révolutionner l’école sans assumer de la façon la plus explicite des vues novatrices sur le terrain éducatif. D’où les suggestions qui suivent.  II. Pour une réorientation. II. 1. Inscrire la réforme scolaire dans la perspective d’un progrès civilisationnel Je soumets au débat l’idée suivante : le programme de transformation sociale que nous défendons implique des changements d’ordre civilisationnel. S’il doit être réalisé un jour c’est qu’il aura trouvé dans une modifications des mœurs les conditions de sa réussite, or cette modification elle-même ne peut pas se produire sans le concours du système éducatif.    Pour m’expliquer, j’énumère ci-après neuf objectifs tels qu’ils sont exprimés dans différentes sections du programme, hors du paragraphe consacré à l’école. Je considère que formulés ainsi ils impliquent tous un progrès dans les mœurs, par la conjonction de deux ordres de facteurs : d’une part des initiatives du pouvoir d’Etat (ex. : une loi contre etc.), d’autre part, au sein de la population, les dispositions nécessaires pour que ces initiatives soient porteuses d’effets (ex. l’effet d’une loi sur la représentation syndicale dans les très petites entreprises dépendrait de la proportion de salariés disposés à accepter un mandat.)    - lutte contre les communautarismes et intégrismes ; - application de cette loi (contre les violence faites aux femmes) en matière d’éducation - nous installerons dans les établissements scolaires une véritable éducation artistique - la « gouvernance » d’un tel pôle (pôle financier public) reposerait sur des pouvoirs nouveaux exercés par les représentants des salariés … et des usagers - nous lutterons contre l’emprise publicitaire et l’aliénation consumérist - un pôle public de l’énergie .. sous pilotage démocratique associant les citoyens - forums citoyens des sciences et de la technologie - (la constitution) reconnaîtra la citoyenneté d’entreprise - les délégués syndicaux interentreprises dans les TPE seront reconnus Rien de ce qui est dit là ne serait durablement viable sans que des individus soient en masse disposés à y contribuer. Mais l’école n’est-elle pas aujourd’hui de toutes les institutions celle qui est la mieux en mesure d’influer sur les dispositions ? a fortiori si elle scolarise la totalité des individus jusqu’à leur majorité ? II.2 Proposer explicitement un fondement nouveau pour l’éducation scolaire     Nous pourrions affirmer hautement que la finalité de l’action éducative est de former des personnalités disposées à la coopération. Cette affirmation de principe a deux corollaires. D’une part elle conduit à faire une critique sans concession de la pratique éducative actuellement mise en œuvre dans l’institution, telle qu’elle fonctionne. La coopération, comme principe explicite serait à faire valoir contre la concurrence, dont on peut montrer qu’elle est au fondement du fonctionnement réel du système éducatif, de façon soit explicite soit tacite selon les situations.    En dénonçant l’emprise du principe de concurrence sur l’éducation scolaire on explique au moins en partie le bilan catastrophique que présente l’école publique en matière de socialisation. Il y a un gouffre entre les prétentions officiellement affichées au titre de la formation à la citoyenneté et l’effet réel sur les personnalités issues du système ; effet constatable au niveau des mœurs à travers des données aussi élémentaires que la participation électorale ou le taux de syndicalisation.      Le second corollaire nous confronte à des responsabilités plus redoutables : il faut mettre en place les processus éducatifs adéquats à la finalité affichée, créer dès la petite enfance et maintenir jusqu’au bac l’habitude de définir ensemble des objectifs, et de mettre en œuvre en commun les moyens de les atteindre, y compris par l’interaction avec l’environnement institutionnel et la société globale. La recherche en éducation a produit là-dessus tout un patrimoine que je n’ai pas lieu d’exposer. Je veux seulement souligner que l’apprentissage de la décision me semble devoir jouer un rôle-clé dans cette éducation coopérative : il faudrait que l’école cultive chez les individus la connaissance des processus décisionnels qui ont un effet sur leur vie personnelle, et avec cette connaissance la volonté d’y prendre part ainsi que l’aptitude à le faire. L’avenir de la démocratie et son perfectionnement passent évidemment par là. II.3. Tirer parti d’un précédent : la réussite de la révolution éducative de 1882     Le programme d’une réforme scolaire présenté ainsi en termes civilisationnels, comme condition d’un progrès des mœurs, revêt une allure grandiose qui peut le faire passer pour utopique. Mais pour répondre à ce grief il est permis de montrer qu’à la fondation de l’école républicaine il y a eu de la part du pouvoir d’Etat une prise de parti très polémique sur la finalité de l’éducation. La loi du 23 mars 1882 commençait ainsi : L'enseignement primaire comprend : l'instruction morale et civique. Le même article abrogeait l’article 23 de la loi de 1850, dite Loi Falloux, qui stipulait : L'enseignement primaire comprend : L'instruction morale et religieuse. Renoncer à la religion comme fondement de l’éducation enfantine c’était heurter le sens commun de la plupart des Français. Est-ce qu’aujourd’hui un pouvoir de gauche ferait quelque chose de plus fracassant en écrivant dans une loi : « l’école publique forme des personnalités disposées à faire prévaloir en toutes circonstances la coopération sur la concurrence ? »    J’ajoute que le terrain civilisationnel sur lequel je propose que nous nous situions hardiment est celui sur lequel le pouvoir ne craint pas de s’avancer (Voir la Lettre aux éducateurs signée par Sarkozy au début de son mandat, et surtout la doctrine du Socle commun)                   J’adresse cette note à reseau.ecole-pcf@orange.fr, à mon collègue Stéphane Bonnéry, à mes amis du « Réseau ACTE » des P.O. , et à             des relations personnelles.         

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