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Chassez ce réfugié … que je ne saurais voir

Les éléments de langage ressassés par le pouvoir macroniste ne feront pas illusion longtemps. Non, le projet de loi sur l’asile et l’immigration dévoilé la semaine dernière n’a rien d’« équilibré ». Il marque une rupture avec la tradition française en matière d’accueil, déjà bien écornée par les lois successives votées ces trois dernières décennies, ne conservant pour la bonne conscience qu’un droit d’asile restreint. Ce texte est d’ailleurs entre les mains exclusives du ministère de l’Intérieur, manière de signifier que l’asile comme le défi migratoire relèveraient uniquement d’une affaire d’ordre et de police.

Désormais, la focale n’est plus placée sur les conditions d’accueil et leur respect au regard des conventions internationales, mais sur les procédures d’expulsion et de contrôle. Le seul ressort vise à dissuader les réfugiés-exilés de déposer en France une demande d’asile. Une manière de se laver les mains d’une responsabilité morale et politique de l’Etat français face à une affreuse réalité mondiale qui pousse sur les dangereux chemins de l’exil des millions d’individus. Cette cécité volontaire et coupable se traduit par ce projet de loi anachronique qui ferme les yeux sur les violences de la mondialisation capitaliste qui traite les marchandises avec plus de dignité que les vies humaines.

Ainsi, le délai octroyé pour déposer une demande d’asile passe de 120 à 90 jours, délai au-delà duquel le demandeur d’asile tombe hors des filets de protection, sans possibilité de bénéficier d’un hébergement d’urgence ou de la moindre allocation. Or chacun sait le temps, le courage et l’abnégation qu’il faut pour déposer une demande d’asile lorsqu’on ne maitrise ni la langue ni les codes pour affronter les rouages de l’administration. Dans la même logique, le gouvernement annonce un recours aux technologies numériques (SMS, courriels) pour assurer le suivi des demandes alors que les réfugiés n’y ont, pour l’immense majorité d’entre eux, aucun accès. Le délai d’appel des décisions administratives concernant l’asile est aujourd’hui d’un mois. Le texte de M. Collomb le divise par deux, ce qui rend pratiquement impossible la rédaction du recours et la compilation des documents requis. Une manière d’opérer un tri social dans l’asile…

Le projet de loi amplifie également les mesures répressives à l’égard des réfugiés. En poussant à 135 jours le temps de placement en rétention, contre 40 aujourd’hui, sous prétexte d’un temps plus long pour obtenir les visas consulaires des pays d’origine, l’enfermement des réfugiés déboutés risque de devenir la norme, avec son lot de souffrances humaines.

Bref tout concourt dans ce texte à dissuader les exilés de passer par la France et à semer d’embuches leur parcours sur les routes de l’exil. Déjà la sous-traitance de l’accueil aux forces de police, notamment à la frontière italienne, signalait un important glissement vers un régime de contrôle accru au détriment de la dignité de l’exilé, éprouvé par un long et souvent terrifiant voyage. Par le truchement de ces mesures empilées, le gouvernement cherche à contourner les nombreuses et très compétentes associations, moquées et décriées par M. Macron lors de son déplacement à Calais, qui insistent sur leur rôle pour ce qui concerne le premier accueil. Ce projet de loi rendra encore plus dangereuse la migration d’hommes, de femmes et d’enfants qui risquent leur vie, sans pour autant tarir ces irrépressibles mouvements tant que leurs causes restent intactes.

Sur un enjeu si  crucial pour l’avenir de notre humanité, le pouvoir rompt désormais les digues en donnant des gages à une droite et à son extrême qui privilégient les postures dans une surenchère permanente.

Or, cette fuite en avant empêche de penser le phénomène migratoire dans toute sa complexité et d’y apporter les réponses conformes aux droits attachés à la personne humaine. C’est un signe des temps que la question de la régularisation, celle des dizaines de milliers de personnes en situation irrégulière sur le territoire français, soit aujourd’hui absente des débats, au grand plaisir d’un patronat avide d’inégalités sociales et juridiques pour s’assurer une main d’œuvre bon marché.

Tout concourt à céder aux pressions xénophobes qui s’exercent sur le continent européen et qui prennent appui sur les iniques règlements de Dublin qui répondent du théorème de « la patate chaude » mais empêchent de faire face au défi moral et politique de l’enjeu migratoire. C’est la lâcheté des gouvernements et leurs renoncements qui permettent la surenchère nationaliste. L’Union européenne a des marges de manœuvre pour permettre à notre continent de se hisser à hauteur d’un enjeu civilisationnel en créant les ponts nécessaires entre les peuples du monde en proie aux guerres, aux misères et de plus en plus au réchauffement climatique. Les mouvements entamés des associations, des syndicats, d’élus progressistes et des créateurs et intellectuels peuvent faire vivre la solidarité.

Patrick le Hyaric (L’HD, le 1er mars 2018)

Nb : à votre disposition dans quelques jours le nouveau livre de Patrick Le Hyaric « Pour une Europe solidaire avec les réfugiés.. ET NOS FRERES POURTANT…. »

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le 01 March 2018

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