Le gouvernement a acté l’accord qualiié « d’équilibré » par les partenaires sociaux… à l’exception de la CGT dont les craintes sont conirmées par une économiste atterrée.
« Nous allons respecter ce que les partenaires sociaux ont prévu dans leur accord » : c’est dans Le Parisien que la Ministre du Travail Muriel Pénicaud a fait connaître vendredi ce que le gouvernement allait garder du texte issu de la négociation entre les partenaires sociaux sur la réforme de l’assurance-chômage terminée le 22 février dernier. Une communication bien orchestrée pour se dire « en phase » avec ces partenaires sociaux.
L’accord sur l’assurance-chômage n’est cependant pas encore signé par les partenaires. Si le patronat -Medef, UPA et CPME- ont dit qu’ils allaient le faire, les syndicats de salariés ayant qualifié le texte d’« équilibré » (CFDT, CFTC, FO) ont subordonné cette signature aux décisions du gouvernement. Quant à la CGT, elle a d’ores et déjà affirmé qu’elle ne le signait pas.
Ouverture aux démissionnaires, indemnisations des indépendants mais aussi contrôle des chômeurs et non-sanction des contrats courts constituent le menu de cet accord. Un ensemble dont la première partie pourrait laisser croire à la création de nouveaux droits. Mais l’ouverture aux démissionnaires promise par le candidat Emmanuel Macron pour offrir plus de mobilité aux salariés en leur permettant notamment de se former davantage est bien loin de l’envergure annoncée. Les contraintes sont telles qu’elle pourrait concerner de 20.000 personnes par an. « Un petit droit qui ne règle en rien le problème bien plus conséquent de ceux confrontés à la discontinuité du travail qui les exclue de l’indemnisation chômage » commente Sabina Issehnane, maître de conférences à l’université de Rennes 2 et membre des Economistes Atterrés.
Autre nouveau « petit droit » : l’indemnisation des indépendants, de 600 à 800 euros pendant 6 mois et pour les seules personnes en liquidation judiciaire. « Une espèce de RSA financé par l’impôt » tempête Denis Gravouil, responsable de ces négociations à la CGT, « on fait entrer le loup dans la bergerie en créant un droit forfaitaire qui pourrait remplacer le modèle du droit contributif avec un gros risque de nivellement par le bas ». Une question déjà posée au moment du transfert des cotisations salariales sur la CSG sur laquelle le gouvernement a refusé de revenir. « En acceptant la bascule des cotisations sociales vers l’impôt, les partenaires sociaux se privent de toute possibilité d’augmenter les cotisations » confirme Sabina Issehnane, « or, nous avons besoin de financements supplémentaires sauf à laisser dans l’oubli tous les chômeurs non indemnisés qui représentent plus de 50 % des demandeurs d’emploi ».
Des « petits droits » dont se targue le gouvernement pour mettre en œuvre sa maxime « plus de droits, plus de devoirs » en annonçant le triplement des équipes de contrôle de Pôle emploi -de 200 à 600 avant la fin de l’année- et en voulant de nouvelles sanctions et une nouvelle définition de l’offre raisonnable d’emploi.
Marché de dupes
« Cela existe dans tous les pays : une demande de la Commission européenne qui n’a cependant pas été mise en place partout de la même manière, avec des conséquences évidemment différentes » explique la chercheuse. Et de citer le Royaume-Uni où le refus d’une telle offre est interdite ou l’Allemagne qui depuis Hartz 4 -mis en place en 2005 par le chancelier socialiste Gerhard Schröder- considère comme « raisonnable » toute offre dans n’importe quel secteur et à n’importe quel endroit. « Nos collègues allemands nous ont affirmé qu’en 2016 il y avait eu 760.000 sanctions financières liées à un refus d’offre raisonnable » complète Denis Gravouil. « Si on regarde la pauvreté laborieuse, on voit qu’après les réformes Hartz IV, la part des travailleurs pauvres est montée à 22% en Allemagne alors qu’en France, elle était de 9% » ajoute encore Sabina Issehnane, « c’est cela le risque qu’on prend : faire en sorte que le travail ne protège plus de la pauvreté ».
Or, malgré les promesses de lutter contre les contrats courts, « ce qui a été retenu par le gouvernement et qui était dans l’accord renvoie le bonus-malus aux Calandes grecques » déplore Denis Gravouil avant de conclure : « c’est un marché de dupes. Rien n’est fait pour lutter contre la précarité ».
Angélique Schaller (La Marseillaise, le 3 mars 2018)
Ainsi le gouvernement accepterait l’essentiel des mesures préconisées par les « partenaires sociaux » sur l’assurance chômage. Telle est la petite musique distillée.
Syndicats et patronat auraient donc eu l’oreille de l’exécutif sur un sujet hautement sensible en temps de chômage de masse. Sauf qu’àyregarderdeplus près, la montagne accouche d’une souris et les droits des chômeurs ne sortent pas grandis de l’exercice.
Grande promesse d’Emmanuel Macron, l’indemnisation des démissionnaires est réduite à la portion congrue et l’aumône faite aux indépendants ne satisfait nullement leurs représentants.
Ce qui est en revanche assurée par la Ministre du Travail, laDRH en chef de la maison France, est un effort sans précédent sur le contrôle des privés d’emplois. Comme si la majorité d’entre-eux étaient au chômage par plaisir et pour s’offrir des vacances aux frais de la collectivité !
Répondre point par point au désir du patronat
Le pire dans cette histoire est que tout semble relever de la manœuvre politique des plus basses. Le gouvernement fait mine de « lâcher » sur l’assurance chômage pour mieux reprendre la main sur la réforme de l’apprentissage qui sera dévoilée lundi 5 mars par Muriel Pénicaud qui a annoncé un « big bang » (aïe !)
Sa feuille de route n’aura pourtant rien de révolutionnaire. Il s’agit pour elle de répondre point par point aux désirs du patronat qui veut reprendre la main sur la formation professionnelle quitte à déposséder les Régions, service public de proximité, de cette compétence.
Après la réforme du code du travail qui rend corvéable à merci la main d’œuvre en facilitant notamment les licenciements, voici venu le temps de la mise au pas de la formation des salariés. Cela commence à faire beaucoup en moins d’un an de pouvoir de la macronie.
Françoise Verna (La Marseillaise, le 3 mars 2018)
Formation. La com apaisée du gouvernement a lieu à la veille de décisions annoncées comme plus conflictuelles sur la formation professionnelle qui seront présentées par la Ministre du Travail Muriel Pénicaud.
2 sujets, 1 loi. Les conclusions des négociations avec les partenaires sociaux autour des questions d’assurance chômage et de formation professionnelle seront rassemblées en une seule et unique loi que le gouvernement a annoncé pour avril.
Indépendants. « La promesse était alléchante et le résultat décevant » : le Syndicat des indépendants a jugé « décevante » la mesure d’indemnisation chômage dévoilée par la ministre du Travail, car son champ d’application est « énormément » contraignant.
Diversion. « Tout ça c’est une grande diversion », a commenté Olivier Besancenot, « derrière tout ça il y a l’essentiel, et l’essentiel c’est de contrôler les chômeurs. L’essentiel c’est qu’on a un gouvernement qui explique qu’après les cheminots, c’est autour des chômeurs ».
La Marseillaise, le 3 mars 2018
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