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Catalogne. Le président déchu sous le joug d’une extradition vers l’Espagne

Garde à vue prolongée pour Carles Puigdemont en Allemagne.

À 19 h 30 hier, l’ex-président de la Generalitat Carles Puigdemont quittait les dépendances du tribunal de première instance dans lequel il avait été conduit en fourgon par la police de Neumünster, en début d’après-midi. Une heure après l’avoir entendu, le juge décrétait le prolongement de la garde à vue, en attendant que le Tribunal supérieur décide de la possible extradition de Carles Puigdemont en Espagne. Une décision qui pourrait intervenir dans 10 à 60 jours. Le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, assurait hier que l’affaire Puigdemont étant « du ressort du droit espagnol » n’aura pas de conséquences sur les relations bilatérales entre l’Allemagne et l’Espagne. Le procureur général adjoint de la région de Schleswig-Holstein, Ralph Dopper, interrogé par le correspondant en Allemagne de la télévision catalane a insisté sur le fait que la justice est indépendante de l’exécutif. Les experts consultés par différents médias catalans ne sont guère optimistes. À leur avis, le délit de rébellion dont l’accuse le juge espagnol est assimilable au délit de haute trahison allemand. Néanmoins, dans les deux cas, le prévenu doit avoir fait usage de la violence. Ce n’est assurément pas le cas de Puigdemont, mais il semble que le juge allemand n’est pas tenu d’évaluer le fond de la question. La seule différence appréciable entre le droit pénal allemand et espagnol tient à l’importance de la peine prévue dans les deux cas : de 1 à 10 ans en Allemagne, de 25 à 30 ans en Espagne. Si Puigdemont extradé, il ne pourra donc pas être condamné à une peine supérieure à 10 ans de prison. La « bonne nouvelle » -si on peut dire- étant que la limitation de la peine serait automatiquement applicable au reste de dirigeants indépendantistes inculpés en Espagne.

Une quinzaine de Députés finlandais appartenant à un vaste éventail de partis ont diffusé un communiqué pour réclamer à l’Allemagne de ne pas extrader Puigdemont, au motif qu’il s’agit d’une affaire à connotation « fortement politique » qui expose Puigdemont à un procès qu’ils considèrent injuste en Espagne.

Réactions à travers l’Europe

Des Députés, danois, français, portugais, finlandais, slovènes du Parlement européen, et autres, ont manifesté leur solidarité envers Carles Puigdemont et dénoncé la situation en Catalogne. Certains demandent même l’attribution  du Prix Sakarov aux prisonniers politiques catalans.

L’ex-Ministre des affaires étrangères de Slovénie Ivo Vajgl, a qualifié de « honteuse » la « chasse à courre » entreprise en Europe pour l’arrêter, À son avis, l’Union européenne ne peut pas fermer les yeux face « à la violation des libertés démocratiques et des droits de l’homme en Espagne ». Jean Luc Mélenchon, pour sa part, accuse Merkel de vouloir incarcérer Puigdemont dans ce qui est devenu selon lui. « l’Europe policière contre la liberté des peuples ».

Mercredi, séance parlementaire

Par ailleurs, le Président de l’université de Glasgow, Aamer Anwar a annoncé qu’il assume en sa qualité d’avocat la défense de la professeure d’économie Clara Ponsati, membre du corps enseignant de cette université, ex-Ministre de l’éducation du gouvernement Puigdemont, maintenant sous le coup d’un mandat d’arrêt européen.

Une centaine de personnes a été blessée dimanche soir lors de la manifestation dans les rues de Barcelone, dont 23 agents des Mossos d’Esquadra, a communiqué le SEM (Système d’urgences médicales). Le Président du Parlement catalan Roger Torrent a pris dimanche soir l’initiative inédite (étant la seule autorité institutionnelle élue, existant en ce moment en Catalogne, faute d’exécutif), de lancer un appel au calme en direct à la télévision. Carles Puigemont a fait lui aussi fait appel à la « sérénité » via un tweet, depuis l’Allemagne. Dans la même intervention télévisée, Torrent a fait valoir la nécessité de donner la priorité à la formation d’un « front uni contre la répression » politique et syndical. Mercredi matin, les élus catalans sont convoqués en séance parlementaire. À l’ordre du jour : débat sur la question de l’investiture d’un Président de la Generalitat. La candidature par la voie télématique de Puigdemont serait revenue à l’ordre du jour, s’il avait été remis en liberté. Mais c’est la candidature de Jordi Sanchez qui revient sur le tapis, grâce à l’intervention du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU qui a donné tort au juge Llarena quand il l’a empêché Sanchez d’exercer son mandat d’élu, considérant qu’il est en possession de tous ses droits parlementaires, même s’il est en prison.

Joana Viusà (L’Indépendant, le 27 mars 2018)

Manifestation à Gérone. « Il faut contrer cette dictature qui s’installe »

« Jo també vaig tallar les vies per la Repùblica » (« Moi aussi, je coupe les voies pour la République »). C’est par ce slogan, qui a résonné de longues minutes sur la place del VI où s’étaient réunis une heure plus tôt près d’un millier de manifestants, qu’a été ponctué le rassemblement organisé hier matin devant la mairie de Gérone. Une manifestation prévue initialement pour soutenir un des jeunes activistes accusé de « désordre public » pour avoir, avec 2.000 autres militants, bloqué le trafic ferroviaire lors de la grève générale du 8 octobre dernier. Un soutien rattrapé par l’actualité et l’arrestation de Carles Puigdemont qui s’est transformé en un nouvel appel à « la liberté des prisonniers politiques » catalans.

« Nous sommes pacifistes ! »

À Girona la Catalane, les jours, les semaines, les mois, les manifestations passent. La ferveur reste intacte. Sur cette place de la mairie (qui fut dirigée de 2011 à 2016 par Carles Puigdemont) les rassemblements en faveur de l’indépendance ne se comptent plus. Mais hier encore, c’est dans le calme et en silence que le long cortège discipliné amené par les employés de la Generalitat de Girona, s’est avancé. Sereins mais déterminés. Pancartes dressées, lacets jaunes fièrement arborés, de ce flot de personnes de tous âges et de tous horizons n’émane que des certitudes. Malgré les violents débordements de la veille qui ont fait une centaine de blessés à Barcelone (dont une vingtaine des Mossos), malgré l’opération de blocage de l’autoroute A7 voisine menée dans la nuit, aucune nervosité n’est palpable. Pas une once de peur en dépit des incertitudes qui pèsent sur l’avenir du « Présidente Puigdemont » interpellé la veille en Allemagne. Un peuple à l’unisson, à nouveau réuni pour affronter les obstacles autour du chant révolutionnaire dels Segadors, l’hymne catalan repris en chœur. Frisson garanti. Alors que les prises de parole se succèdent au micro, dans les rangs, Marta nous glisse à l’oreille : « Vous savez, nous sommes pacifistes. Nous sommes contre les violences et les débordements qui ont eu lieu ». Sa voisine va plus loin : « C’est quand même bizarre que les fauteurs de trouble soient tous cagoulés, non ? Nous, quand on manifeste, on le fait à visage découvert… »

« Les dissidents sont la démocratie »

À la tribune, le discours de Benet Salellas, ancien Député de la CUP et avocat du jeune homme poursuivi, met un terme aux chuchotements complotistes : « Cette répression, c’est une régression démocratique ! Nous devons être solidaires de nos camarades incarcérés et de tous ceux qui luttent pour défendre leurs idées. Et plus il y aura d’attaques de la justice espagnole contre nous, plus nombreux nous serons dans la rue pour contrer cette dictature qui s’installe ». Un argumentaire repris par l’Euro-Député Josep Maria Terricabras : « Nous sommes entrés dans une dictature constitutionnelle. Les dissidents, comme l’opposition ou les syndicats, font partie de la démocratie. Et à ce titre, ils doivent être protégés (...). Il est de notre responsabilité de nous indigner et d’entrer dans la dissidence de façon massive ! ». Pas de doute, le soir même, ils seraient encore là sur cette place du VI. Comme chaque lundi… Mais jusqu’à quand ?

Face à l’indifférence de l’Europe, combien de temps résistera cette foule silencieuse ? Et qu’adviendrait-il si Puigdemont était enfin remis à la justice espagnole ?

Jean-Michel Salvador (L’Indépendant, le 27 mars 2018)

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Catalogne. Le président déchu sous le joug d’une extradition vers l’Espagne

le 27 March 2018

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