Alors que l’AP-7 était bloquée hier, le Président déchu est toujours détenu en Allemagne.
La juge du tribunal local de Neusmünster en Allemagne qui, lundi après-midi, a entendu Carles Puigdemont pendant trois longues heures, n’a certes pas relâché l’ex-Président de la Generalitat dans la nature. La magistrate a dû juger prudent de ne pas rendre la liberté de mouvements à cet homme pour lequel se bousculaient tant de journalistes allemands, catalans, mais aussi danois, belges, britanniques et américains devant le portail du château-prison de Neusmüller, une ville de 76.000 habitants, située au sud de Kiel, la capitale du Land de Schleswig-Holstein. Néanmoins, dans le compte-rendu de l’interrogatoire diffusé par l’agence allemande de presse DPA et le site web de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel la magistrate affirme: « Il n’y a pas de doute que le mandat d’arrêt européen comporte des éléments indiquant que l’extradition de la personne poursuivie pourrait être refusée, après, évaluation complète des questions judiciaires ».
Une conclusion préliminaire qui a redonné du punch aux familles qui se sont rendues sur place pour soutenir les exilés, ainsi qu’au bataillon d’avocats qui circule entre Barcelone, Bruxelles, Neusmünster, Glasgow et, prochainement sans doute, Genève.
Puigdemont devra attendre dans sa cellule que la Cour du Schleswig-Holstein se prononce sur son sort. Le verdict peut tomber dans quelques jours, voire quelques semaines, mais pas au-delà de deux mois.
Si la Cour décide de concéder l’extradition, il est possible qu’elle le fasse pour des chefs d’inculpation, moins graves comme la désobéissance ou la malversation de deniers publics. Ce qui remettrait le juge du Tribunal suprême dans la même tessiture qu’en décembre dernier en Belgique, qui l’avait amené à retirer le mandat d’arrêt européen. Officiellement « pour ne pas créer des différences » au détriment des inculpés en prison en Espagne.
Par ailleurs, au lendemain du verdict condamnant l’Espagne à garantir les droits parlementaires du Député Jordi Sànchez, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a admis hier mardi la plainte présentée en février par Carles Puigdemont pour violation des droits politiques par l’Espagne. Le juge avait dénié l’autorisation de faire conduire Jordi Sànchez en fourgon de police jusqu’au Parlement pour y être investi président de la Generalitat. À la suite de ce verdict onusien, Sànchez est de nouveau candidat. Puigdemont pourrait faire la même chose. Aujourd’hui, la séance extraordinaire du parlement catalan, a justement été convoquée pour trouver une solution à cet imbroglio.
Certes, l’Espagne peut ne pas se plier aux injonctions du CDH de l’ONU, mais son image internationale en pâtirait, jugent les avocats de Puigdemont et de Sànchez.
Joana Vius (L’Indépendant, le 28 mars 2018)
Dimanche soir, Barcelone s’est embrasée, des incidents faisant 500 blessés. Hier, les blocages se sont multipliés sur les routes. Jusque-là pacifiste et non violente, la cause indépendantiste catalane vire à l’aigre et c’est assez logique. En appliquant une politique de répression très dure, la justice espagnole a totalement décapité les organismes représentatifs. La décision vendredi d’envoyer en prison cinq dirigeants supplémentaires, dont le candidat à la présidence de la Generalitat, aétéunpasdeplusdansla surenchère et l’arrestation de Carles Puigdemont en Allemagne a achevé de bloquer la situation. Les Comités de défense de la République, composés de jeunes, d’étudiants, de sympathisants d’extrême gauche, ont alors occupé le terrain. Les organisations de la société civile, l’Omnium et de l’ANC, si importantes en Catalogne, n’ont plus d’influence. Les deux « Jordi », Cuixart et Sanchez, sont en prison depuis le mois d’octobre. Les partis ANC et PDeCAT sont également frappés par la répression. Dans le vide ainsi créé, c’est désormais une fraction plus activiste qui s’engouffre. La conséquence logique d’une politique de la force.
Pierre Mathis (L’Indépendant, le 28 mars 2018)
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