Le député d’ERC aux Cortes de Madrid, Joan Tardà, est attendu pour une conférence.
« Le 14 avril 1931, Francesc Macià proclamait la République catalane, une date clé dans la chronologie du désir de liberté du peuple catalan. En avril 2018, 16 personnes sont emprisonnées ou exilées pour avoir défendu cette même volonté de liberté. »
Ce samedi 21 avril, une conférence-débat a lieu pour commémorer les événements historiques de 1931 et en faire une lecture à la lumière de la situation actuelle. L’acte sera marqué par les interventions d’Enric Pujol, historien à l’Université autonome de Barcelone ; Joan Tardà, député d’ERC aux Cortes de Madrid ; Francesc de Dalmases, député Junts per Catalunya au Parlement de Catalogne ; Gérard Onesta, vice-président de la région Occitanie et observateur international lors du référendum du 1er octobre 2017 ; Ana Surra, réfugiée d’Uruguay en Belgique et en France, députée d’ERC aux Cortes de Madrid, Pere Bosch, historien et journaliste ainsi qu’un représentant de l’ANC. Selon la volonté des organisateurs, le dénominateur commun de l’acte sera « le rejet de la vague de répression, d’inculpations, d’emprisonnements et d’exils forcés a laquelle est soumise aujourd’hui la Catalogne de la part de l’État espagnol. » Après une offrande florale à la fontaine Picasso (à 15 h 30), une conférence-débat aura lieu au cinéma le Cérétan (à 16 heures). Entrée libre.
Organisations signataires : Assemblea Nacional Catalana, Candidatura d’Unitat Popular, Comitè de Defensa de la República Vallespir-Alberes, comitè Solidaritat catalana, Esquerra Republicana de Catalunya, Europe écologie les Verts, Jeunes communistes66, Joventuts d’Esquerra Republicana, Nouveau parti anticapitaliste, Parti communiste français, Unitat Catalana.
L’Indépendant. Vous serez à Céret pour débattre autour de la question de la République catalane avec comme référence deux dates : avril 1931- avril 2018. Quel est le fil conducteur ?
Joan Tardà. La Catalogne est une nation sans État. C’est une nation qui a souffert des occupations militaires, qui a subi un processus d’assimilation politique, linguistique et culturelle. Malgré tout, la Catalogne est aujourd’hui l’une des ra- res nations (…) capables de soulever politiquement une revendication nationale et qui ouvre la possibilité de devenir un État indépendant. Si cela se produit, c’est parce qu’historiquement, toutes les générations qui nous ont précédés ne se sont jamais rendues. Raison pour laquelle nous avons été en mesure de maintenir notre langue, notre identité pour affronter les défis du XXIe siècle. C’est ce fil qui relie certaines dates de l’histoire de la Catalogne : le 14 avril 1931, proclamation la République catalane pour la 3e fois de son histoire par Francesc Macià après la chute de la dictature du général Primo de Rivera (débuté en 1923, ndlr). Cela signifiait la reconnaissance de la Catalogne par la République espagnole. L’autre date -avril 2018-, montre qu’une partie très importante de la société catalane est déjà indépendante. Et l’avenir de la Catalogne est intrinsèquement lié à proclamation de la République catalane.
L’Indépendant. L’acte a un dénominateur commun « le rejet de la vague de répression, d’inculpations, d’emprisonnements et d’exils forcés » ?
Joan Tardà. Dans une démocratie de qualité, il ne devrait pas avoir de place pour l’autoritarisme ou la répression comme réponse à ce problème politique. Il y a une volonté démocratique, civique et pacifique du peuple de Catalogne de décider de son futur. Le gouvernement espagnol pouvait dialoguer (…), il a opté pour la réponse autoritaire et c’est pourquoi aujourd’hui nous avons des prisonniers politiques et exilés. C’est l’échec de la démocratie en Espagne.
L’Indépendant. Donc à la question « cela en valait la peine pour arriver à cette impasse », vous répondez ?
Joan Tardà. Ces dernières années, l’indépendance en Catalogne est passée de 14 à 47% de la population. Pour une bonne par- tie de la société catalane, il est déjà clair que notre avenir est lié à la République. Il est évident que l’indépendantisme et la souveraineté catalane dans son ensemble auraient souhaité avoir un référendum sur l’autodétermination avec le gouvernement espagnol comme cela fut le cas en Écosse. La réponse n’a pas été démocratique mais répressive. La Catalogne a été contrainte de désobéir car le gouvernement espagnol a toujours refusé de négocier. Je tiens à préciser que par 18 fois, nous avons demandé l’autorisation au parlement espagnol pour organiser un référendum légal. Le processus ne peut plus faire marche arrière.
L’Indépendant. Lors des élections au Parlement de Catalogne, en décembre dernier, alors que votre leader Oriol Junqueras (ERC) était donné gagnant par les sondages, c’est finalement Carles Puigdemont (Junts per Catalunya) qui est arrivé en tête des partis indépendantistes. Il y a eu un changement de stratégie dans votre formation à ce moment-là ?
Joan Tardà. Pour nous, le plus important était que l’indépendance ait la majorité absolue au Parlement de Catalogne. La victoire du « 21 décembre » était titanesque parce que les partis non-indépendantistes comme les pouvoirs économiques espagnols ont tout fait pour que nous n’ayons pas cette majorité en emprisonnant notamment des candidats. La candidature dirigée par le président Puigdemont a obtenu plus de voix que ERC, c’est pourquoi c’est à Junts per Catalunya de proposer un candidat à la présidence de la Generalitat. Cependant, pour nous, ce qui a de plus pré- cieux c’est la victoire de l’indépendance. C’est pour cette raison que nous considérons qu’il serait irresponsable de mettre en péril cette victoire et de repartir dans un nouveau combat électoral. Maintenant, il est primordial de former un gouvernement pour mettre en place une République. Ça prendra, le temps que ça prendra mais c’est évident que nous le ferons.
L’Indépendant. Mais on voit qu’il y a des divergences au sein de ce bloc indépendantiste (Junts per Catalunya, ERC et CUP) ?
Joan Tardà. Il est bon que l’indépendantisme se reflète dans différents partis et candidatures (…). L’important, c’est d’avoir une stratégie commune, mais nous sommes convaincus qu’une unique liste n’est pas forcément gagnante car l’indépendantiste se reflète aussi dans la pluralité de la Catalogne.
L’Indépendant. C’est aussi un conflit médiatisé ?
Joan Tardà. En effet (...). Il n’y a pas un cas similaire en Europe : un peuple qui, démocratiquement, civiquement et pacifiquement, soulève un défi comme celui- ci.
L’Indépendant. La clé du conflit est politique ?
Joan Tardà. Oui. Il est nécessaire de le résoudre politiquement et non en passant par la justice. Aujourd’hui, nous souffrons mais il est évident que la démocratie gagne toujours. Il y a chaque jour un peu plus de personnes et de peuples qui savent que la cause des Catalans est noble faite par un peuple pacifique et sans arme.
L’Indépendant. Quel regard portez-vous sur la mobilisation locale ?
Joan Tardà. L’indépendance et le République auront toujours une dette envers les Catalans de la Catalogne nord. Toujours. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Le soutien, la solidarité et la force que nous recevons de la Catalogne nord, nous ne devons jamais l’oublier. Il ne faut pas oublier ce que nous défendons chez ERC : travailler pour l’ensemble du pays c’est-à-dire les « Països Catalans » (…). Une Catalogne indépendante, une République catalane proclamée et reconnue dans le monde, modifiera les relations entre les différents territoires des « Països Catalans ». Pas seulement pour les raisons politiques qui signifieraient au niveau linguistique et culturel, l’existence d’une Catalogne indépendante mais aussi économique. Une Catalogne indépendante modifierait radicalement la relation de ce territoire avec la Catalogne nord et sa capitale, Perpignan. Il est évident qu’il y aurait un avant et un après dans tous les domaines.
L’Indépendant. Quelle est la prochaine étape ?
Joan Tardà. Ce qui est sûr, c’est que rien ne sera plus pareil. Maintenant, nous entrons dans une phase qui vise à être plus de 50% en faveur de l’indépendance en peu de temps. Nous devons continuer d’internationaliser la cause catalane et construire une relation bilatérale avec Madrid. Ce ne sera possible qu’à travers une médiation étrangère pour résoudre le conflit de manière démocratique.
Propos recueilli par Mathilde Contié-Walter (L’Indépendant, le 21 avril 2018)
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