Pas de doute : le bras de fer continue entre Madrid et la Catalogne. Cette fois, le candidat proposé par le Président destitué a réussi à se faire élire à la tête de la Generalitat. Or, hier, au lendemain de son élection, Quim Torra s’est rendu à Berlin pour mettre au point avec Carles Puigdemont la suite de la « stratégie républicaine », comme il l’a expliqué juste avant de prendre l’avion, sur Catalunya Radio.
Réhabilitation des ministres incarcérés
Une stratégie qui passe par la « restitution » à leurs postes respectifs (s’ils le souhaitent) des membres de l’ancien exécutif. À cet effet, il ira visiter dans chacune des trois prisons les ex-ministres de la Generalitat incarcérés : Oriol Junqueras, Jordi Turull, Josep Rull, Joaquim Forn, Dolors Bassa, Raül Romeva mais aussi l’ex-présidente du Parlement Carme Forcadell et les deux anciens leaders de l’ANC et d’Ominum Cultural, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart. Quim Torra a proclamé sans ambages son objectif à terme « d’investir Carles Puigdemont ».
Une fois, le nouvel exécutif catalan constitué, le Président de la Generalitat s’attachera aussi à rétablir toutes les lois sociales et environnementales adoptées par le Parlement catalan sous la lé- gislature Puigdemont, qui ont été suspendues par le Tribunal Constitutionnel espagnol.
Le leader du PSOE fidèle à Rajoy
Un programme offensif qui ne réjouit pas le gouvernement Rajoy. Pensant avoir rétabli la normalité, voilà qu’il s’aperçoit que le précédent Puigdemont va se reproduire. Il a donc appelé à la rescousse ses deux partenaires du « pacte » qui avait validé l’application de l’article 155 de la Constitution et permis la mise sous tutelle de l’administration catalane. Le leader du PSOE Pedro Sanchez a ainsi réaffirmé son soutien au chef du gouvernement central contre toutes pratiques « illégales » de l’exécutif de la Generalitat. Surtout s’il s’avise à créer des « structures d’État ». Le Président Quim Torra sera donc maintenu sous « supervision » a-t-il confirmé, même si, comme promis par Rajoy, l’article 155 sera levé dès la constitution du nouveau gouvernement catalan. Le dirigeant socialiste partage également la volonté de Rajoy de continuer à contrôler le budget de la Generalitat.
Demain ce sera au tour du leader de Ciudadanos Albert Rovira, l’autre partenaire du « Pacte du 155 », de se rendre au Palais de la Moncloa. Mais, boosté dans les sondages par son intransigeance vis-à-vis de la Catalogne, Rivera est opposé à la levée de la tutelle de Madrid.
Investiture dirigée par Madrid
La Generalitat étant encore sous la houlette du Gouvernement central, c’est un représentant de ce dernier qui organisera la cérémonie de transmission du pouvoir au nouveau Président. Celle-ci doit se tenir dans les 5 jours qui suivent la signature du Roi (survenue hier soir), certifiant la nouvelle nomination et la publication au Journal officiel de la Generalitat (DOGC). Il n’y aura donc pas de cérémonie « à la Puigdemont », donc, qui avait pu prêter serment de « fidélité à la volonté du Peuple de Catalogne représenté par le parlement » et non à la Constitution ni au Roi... Des préparatifs avaient lieu hier au Parlement en vue de la cérémonie qui doit donc se tenir d’ici à dimanche, certains évoquant qu’elle pourrait être avancée à aujourd’hui même.
Joana Viusà (L’Indépendant, le 16 mai 2018)
Étonnante conférence de presse diffusée depuis Berlin -en anglais, en castillan et en catalan- retansmise en direct par la télévision catalane, hier après-midi. Carles Puigdemont et Joaquim Torra ont confirmé les trois priorités du futur gouvernement catalan : restitution législative et institutionnelle, dialogue et suppression de la tutelle administrative et financière du gouvernement central sur la Generalitat de Catalogne.
Le nouveau président de la Generalitat a informé qu’il a adressé une lettre au Chef du gouvernement espagnol pour lui demander de le recevoir. Hier devant les nombreux représentants des médias internationaux et espagnols, il s’est écrié à son adresse : « Monsieur Rajoy, s’il-vous-plaît : faites-moi savoir le jour et l’heure ! ». Carles Puigdemont exprimait hier le souhait que cette requête soit entendue à Madrid car selon lui, « Ni les tribunaux ni la police ne sont habilités à résoudre les conflits politiques ».
Une invitation à laquelle s’est empressé de répondre depuis la Bulgarie où il est en voyage officiel le chef du gouvernement espagnol : « Bien entendu que je vais recevoir le président de la Generalitat s’il me le demande » rappelant qu’il n’avait « jamais » refusé une telle proposition. « Je suis disponible pour parler, je crois que cela sera positif » a-t-il affirmé depuis Sofia. En précisant néanmoins que le dialogue ne pourra se faire que « dans le cadre de la loi » et en posant quelques limites : « En Catalogne, il ne peut y avoir qu’un président, une seule légalité et des institutions uniques, qui sont celles définies par la Constitution ».
L’Indépendant, le 16 mai 2018
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