Un discours d’investiture où ni la constitution espagnole ni le roi n’ont été évoqués.
Placée sous tutelle de Madrid après la proclamation avortée d’une République catalane le 27 octobre 2017, la Catalogne, après près de sept mois de carence, a depuis hier un nouveau président, le 131e. L’indépendantiste Quim Torra, a pris officiellement ses fonctions hier à Barcelone sans jurer fidélité à la Constitution espagnole mais à la seule « volonté du peuple catalan ».
Le gouvernement central absent
Aucun représentant du gouvernement central, qui étudie même la possibilité d’un recours, n’assistait à cette cérémonie, témoignage de la vive tension entre Barcelone et Madrid.
La cérémonie s’est déroulée en quelques minutes dans une salle secondaire du palais abritant le gouvernement catalan. Quim Torra n’a pas reçu le médaillon symbolique orné du drapeau catalan traditionnellement remis à ses prédécesseurs. Membre de l’aile dure du mouvement indépendantiste, Quim Torra avait été élu lundi avec la bénédiction de Carles Puigdemont, son prédécesseur déchu, président de Catalogne par le parlement régional et aussitôt promis de « construire un État indépendant ».
Quim Torra qui, en fonction des événements pourrait organiser de nouvelles élections, considère que « le président légitime » désigné par les urnes reste Carles Puigdemont. L’ancien président déchu n’a d’ailleurs pas tardé via Twitter à assurer celui qu’il a désigné de tout « son soutien, son affection et ses remerciements » le 131e président investi. Toujours retenu en Allemagne après avoir choisi l’exil en Belgique pour éviter la prison, l’ancien président et toujours homme fort de l’indépendantisme attend que son sort soit tranché par la justice allemande qui doit décider si elle doit le remettre à l’Espagne, qui veut le juger pour « rébellion », un délit passible d’un maximum de 30 ans de prison.
Séparatiste convaincu
Hier, et comme l’avait fait avant lui Carles Puigdemont lors de son investiture en janvier 2016, Quim Torra a donc seulement promis de « remplir loyalement les obligations de président de la Generalitat (gouvernement catalan), en étant fidèle à la volonté du peuple de Catalogne, représenté par le Parlement de Catalogne ».
L’éditeur âgé de 55 ans, nouveau venu en politique mais impliqué depuis longtemps pour la cause indépendantiste (notamment au sein de l’association Omnium català dont il fut le président) ne s’est engagé hier ni à respecter la Constitution espagnole, ni le roi Felipe VI, ni le statut de la Catalogne qui règle les attributions de cette région autonome.
L’homme aux convictions affirmées, a d’ailleurs dû der- nièrement s’excuser suite à l’exhumation par ses opposants d’écrits remontant à plusieurs années, jugés insultants envers les Espagnols, que l’organisation SOS Racisme en Catalogne a dénoncés comme « un discours dangereux, irresponsable et inacceptable ». Dans les jours qui viennent, le nouveau président devra néanmoins former son gouvernement, condition à la levée de l’article 155 et la tutelle de Madrid. Or, il voudrait y inclure d’anciens membres de l’exécutif destitué qui se trouvent actuelle- ment en détention provisoire et si le gouvernement espagnol considère cela comme illégal, il pourrait décider de maintenir le contrôle sur la région. C’est dire si la « crise catalane » n’est pas encore finie…
L’Indépendant, le 18 mai 2018
Alors que la justice belge a refusé mercredi de livrer à l’Espagne les trois anciens ministres qui avaient accompagné Carles Puigdemont dans son exil, le tribunal suprême espagnol a confirmé hier le maintien en détention préventive de l’ex-présidente du parlement catalan Carmen et de quatre autres parlementaires déchus (Raül Romeva, Jordi Turull, Josep Rull, Dolors Bassa). L’acte, rédigé par le très décrié juge Pablo Llarena précise qu’il n’y a aucun précédent dans l’histoire récente européenne d’un gouvernement d’un état fédéral qui se dresse contre la constitution étatique. Le magistrat a également invité la justice allemande -qui étudie la validité du mandat d’amener prononcé à l’encontre de Carles Puigdemont- à « ne pas commettre la même erreur d’interprétation » que la justice belge.
Jean-Michel Salvador (L’Indépendant, le 18 mai 2018)
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