Le plan des indépendantistes catalans pour les élections européennes reste à définir.
Marcher sur Gérone, triomphant, plus d’un an et demi après l’avoir quittée. Voilà peut-être l’un des prochains épisodes de la saga indépendantiste, avec comme protagoniste Carles Puigdemont. Un scénario digne des meilleures série télé, qui poursuivrait deux objectifs. L’un, pragmatique, de continuer à faire vivre politiquement l’ex-président déchu de la Generalitat, en lui permettant de s’inviter au sein de l’hémicycle communautaire. L’autre, aussi personnel qu’osé : bénéficier de l’immunité parlementaire européenne pour fouler la ville dont il a été maire et dont il a dû se tenir à distance, depuis le spectaculaire bain de foule en guise d’adieu qu’il s’était offert et que L’Indépendant avait suivi. L’hypothèse d’une candidature de Carles Puigdemont aux élections européennes de mai 2019, soit dans un an pile, a circulé dans la presse catalane depuis fin janvier 2018, alors que l’espoir d’être investi président de la Generalitat commençait à s’amenuiser sérieusement pour le Géronais. Sur le papier, les élections européennes permettent bien à un ressortissant d’un État membre de se présenter dans un pays qui n’est pas le sien, si et seulement si le candidat y a élu résidence au moins six mois avant l’élection. D’ailleurs, si l’hypothèse -fort improbable- d’une candidature en France venait à prendre corps, Carles Puigdemont ne serait pas le premier Catalan se présenter outre-Pyrénées.
Une échéance « très lointaine »
Début avril, juste avant le premier refus par la justice allemande d’extrader le politique géronais, une source militante de l’état-major indépendantiste nous mettait la puce à l’oreille. « L’idée d’une candidature aux élections européennes est étudiée en interne, confessait cette source. Il faudrait voir dans quel pays. » Pourquoi ne pas monter une liste française, « nord-catalane » ? « Ah, pourquoi pas. Même si, pour nous, la France est le pire pays. Nous voulons éviter de dépendre de décisions de justice émanant de la France. » Si l’ex-président venait à se présenter aux élections européennes, ce serait plutôt dans son pays de résidence du moment. Un « choix » largement contraint par les procédures judiciaires qui limitent ses mouvements. Le parti du centre (DZP), une formation résiduelle dans le paysage politique allemand, s’est déjà proposé de le positionner en tête de liste. Une manière de créer le « buzz » qui n’a pas fait mouche puisque Junts per Catalunya, la formation derrière Carles Puigdemont, a de suite décliné cette proposition farfelue. Actuellement occupé par d’autres impératifs plus urgents, à savoir former un gouvernement à la Generalitat, l’état-major indépendantiste préfère maintenant botter en touche. « Nous ne pensons absolument pas aux européennes, c’est très lointain, insiste aujourd’hui la même source. Non, il ne sera pas candidat. » Un changement de cap dans la communication qui trahit le court-termisme auquel est contraint le clan indépendantiste. Cette image désordonnée contraste avec celle d’un courant qui s’était fait maître dans l’art du « storytelling », au moins jusqu’au mois d’octobre 2017. « Improvisation, amateurisme, autonomisme… Tout ça désespère de nombreuses personnes des bases militantes et activistes », s’agace un activiste barcelonais. Difficile de savoir si les prochaines échéances électorales -municipales et européennes en mai 2019- participeront à resserrer les liens au sein de ce bloc fissuré.
Fabien Palem (L’Indépendant, le 26 mai 2018)
Être élu européen sur la liste d’un autre pays, Miquel Mayol, 76 ans, sait ce que c’est. Même si, pour ce Catalaniste, nord et sud forment un tout (les « països catalans »), cet ancien juriste a bien été élu via une candidature enregistrée dans l’État voisin, l’Espagne.
En 1999, tout fraîchement inscrit à Esquerra republicana, il est présenté sur une liste commune avec les Basques d’Eusko Alkartasuna. Cela amènera le Perpignanais à siéger au parlement européen de 2001 à 2004. « La condition était d’être résident “au sud”, ce qui n’était pas vraiment mon cas », confesse-t-il. « Le parti m’avait, disons, domicilié en Cerdagne. Si Carles Puigdemont se présentait, ce serait autre chose ! Les conditions de sa candidature seraient sans doute scrutées de très près. »
L’Indépendant, le 26 mai 2018
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