M’exprimant au nom de l’Association National des Anciens Combattants et Amis de la Résistance, je précise que notre association à caractère pluraliste, rassemble tous les mouvements de Résistance, les partis politiques et les syndicats qui ont lutté contre l’envahisseur nazi.
La Résistance unifiée par Jean Moulin, réunissait gaullistes, chrétiens démocrates, socialistes, communistes syndicalistes CGT et CFTC.
Rappelons ce qu’avait adressé le résistant gaulliste Chaban Delmas au résistant communiste Rol-Tanguy : « Tout nous sépare sauf l’essentiel ».
Et quand la mémoire d’un résistant ou d’un Mouvement est salie, c’est toute la Résistance que l’on insulte. Permettez moi d’emprunter l’expression du grand poète Louis Aragon : « Certains jours j’ai rêvé d’une gomme à effacer l’immondice humaine ».
Ainsi le 3 juin 2018, dans le journal l’Indépendant, le dessinateur Seb, s’appuyant sur un vidéaste, prétendant réécrire l’histoire à coup de mensonges et d’interprétations personnelles, s’emploie à ternir l’image de la Résistance, en dénigrant la Résistance communiste qui a payé un lourd tribut dans les combats contre le nazisme ; comme en témoigne l’hommage que nous rendons à Roger Roquefort, jeune résistant communiste âgé de 20 ans, blessé puis assassiné par un officier allemand.
Contrairement à ce qu’affirme Seb, l’attaque de Prades n’est pas à l’origine de la destruction de Valmanya ni de l’attaque des maquis cantonnés à la Pinouse.
Les archives françaises, ouvertes depuis peu, et allemandes, démontrent le contraire.
À ce jour, l’Indépendant n’a toujours pas publié le texte écrit conjointement par les historiens : André Balent, Pierre Chevalier, Georges Santis, Christian Yaucho, ni celui de Jacky Pugnet, ni le mien. La censure est donc évidente.
Pourquoi une attaque allemande dans le massif du Canigou les 1er et 2 août 1944 ?
À la demande de la Feld Komandantur 997 de Perpignan, le préfet fit publier dans la presse le 21 juillet 1944, une note annonçant l’interdiction du « trafic touristique » dans la région du Canigou.
Cela signifiait que les autorités allemandes désireuses de ne rien avoir sur leurs arrières au moment du débarquement allié attendu sur les côtes méditerranéennes, allaient régler la question du maquis du Canigou, qu’ils soient FTPF, guerilleros espagnols, A.S., réfractaires du STO, ainsi que le groupe de René Horte avec ses guerilleros, qui effectue l’essentiel des attaques contre les allemands dans ce massif.
Aussi, l’état major du groupe d’armées allemandes installé à Rouffiac-Tolosan (Haute-Garonne) ordonna-t-il de détruire tous les maquis présentant une menace pour les liaisons routières.
Dans l’Aude, les 6, 7 et 8 août, les nazis attaquent dans les circonstances comparable à celles de Valmanya, le maquis A.S. de Picaussel et détruisirent de la même façon le hameau de Lescale. Le 8 août 1944 ils anéantirent le maquis A.S. « Armagnac » faisant 47 morts à Trassanel et Ilhes-Cabardes.
Rappelons également les massacres à Tulle avec 99 pendus et à Oradour-sur-Glane où 642 hommes, femmes et enfants sont massacrés.
Replacer donc l’attaque de Valmanya dans le contexte des derniers jours du nazisme en France et sa politique de la terre brûlée, permet de réfuter le négationnisme repris par Seb, inspiré par un désaccord voire une hostilité de principe à la Résistance communiste et complaisamment relayé par les grands moyens d’information.
Quand le haut patronat français, dont leurs prédécesseurs s’éteint vautrés dans la honteuse collaboration avec les nazis, prône le démantèlement des conquêtes sociales du Conseil National de la Résistance, quand les gouvernement s’attachent à les laminer, se lit plus nettement encore l’espérance qui fit naître la Résistance et la Libération.
Alors que le pays exsangue se dotait de la Sécurité Sociale, de la retraite par solidarité, des services publics, de la Santé, de l’Éducation nationale, des transports, de l’Énergie, de la banque, de la Poste, de la presse, nous assistons aujourd’hui à la destruction systématique des conquêtes appliquées par les Résistants du Conseil National de la Résistance.
Rappelons ce que le Général de Gaule avait jugé utile de déclarer le 3 novembre 1943 : « La France est résolue à de profondes transformations, elle veut faire en sorte que demain, la souveraineté nationale puisse s’exercer entièrement sans les pressions corruptrices d’anciennes coalitions d’intérêts privés ».
À l’heure d’une finance triomphante, de la mise en concurrence des êtres humains, notre modèle sociale est remis en cause, grande précarité, injustices sociales, destruction des services publics, appauvrissement culturel provoquent la montée des haines et ce n’est pas pour revenir aux années d’indignité que les résistants comme Roger Roquefort donnaient leur vie.
Leurs rêves des Jours Heureux, nom donné au programme du C.N.R., partiellement appliqué, devenu notre modèle social est confronté à une autre barbarie.
Nous souhaitons que la cohérence politique puisse déjouer les pièges tendus par le fanatisme intégriste qui vise à diviser notre société.
Notre république devrait faire vivre un nouvel ordre international pour la justice, la liberté, pour la recherche résolue de la paix, en cessant les complaisances avec les pays financeurs du terrorisme.
Les valeurs de notre République sont fragilisées et les fractures de notre société sont chaque fois une victoire pour le fondamentalisme sectaire, qui peut avoir un projet politique anti-social, anti-démocratique, anti-laïque avec l’exemple de certains symboles religieux qui s’implantent sur nos montagnes, espaces publics rappelons le.
C’est la définition que Gramsci donnait de la crise : « C’est quand le vieux monde est en train de mourir, et que le nouveau monde tarde à naître. Dans ce clair obscur naissent les monstres ».
Les citoyens et les citoyennes dans leurs diversité, doivent s’opposer aux théofascismes, obscurantismes, oppressions et injustices sociales, dans l’espérance d’un nouvel humanisme.
Et la recrudescence contemporaine de l’idéologie fasciste en Europe rend essentiel le retour à la connaissance de l’Histoire et au travail de mémoire.
Nous continuerons à défendre les valeurs humanistes et universelles de la Résistance et à honorer la mémoire de Julien Panchot, torturé et assassiné, de Roger Roquefort, blessé et assassiné et de tous les Résistants, Résistantes dont le courage a souvent tout exigé d’eux, jusqu’au sacrifice suprême, pour l’invincibilité des idées de liberté, de dignité.
Jean-Pierre Castillo, ANACR
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