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Une réforme mortifère pour le statut des auteurs ?

Corinna Gepner participe à la concertation pilotée par la ministre de la Culture, le ministère des Affaires sociales et une vingtaine d’associations d’auteurs. En bout de course, le statut des auteurs après le prélèvement à la source de l’impôt en janvier 2019. « Quelle sera la place des auteurs dans l’économie culturelle de demain ? »

Traductrice, et présidente de l’Association des traducteurs littéraires de France, elle insiste : « Il faut penser de façon différenciée, c’est un secteur particulier avec un statut propre. »

Créé en 1978, l’Agessa assure, entre autres, la Sécurité sociale des artistes auteurs pour les branches du livre, de la musique, du cinéma et de la télévision, ainsi que de la photographie.

S’agissant des traducteurs littéraires, il existe une distinction entre les « assujettis » et les « affiliés ». Dans une interview donnée à ActuaLitté en 2016, Corinna Gepner expliquait : « Les assujettis représentent la majorité de la population des traducteurs. Annuellement, ils ne touchent pas suffisamment de droits d’auteur pour pouvoir être affiliés à l’Agessa, c’est-à-dire cotiser pour leur retraite. Le seuil est fixé à 900 fois la valeur ho- raire brute du Smic. »

« La réforme de janvier 2019, devrait changer les choses car tout traducteur littéraire aura la possibilité de se constituer des droits à la retraite dès  le premier euro perçu, mais cela lui imposera une augmentation de ses cotisations de 6,75 %. »

Jusqu’alors, un auteur affilié obtenait sa Sécurité sociale (CPAM, CAF et Carsat), mais aussi « sa carte de visite professionnelle », soit une certaine crédibilité.

Des cotisations en hausse, mais pas le prix du feuillet

Si l’on prend l’exemple de la CSG, elle augmente, mais concernant les auteurs, « c’est la perte sèche car il n’y a pas de compensation, ni de chômage. » Les auteurs ne sont ni des salariés, ni des indépendants. Les cotisations des auteurs vont, dès janvier 2019, être prélevées directement par l’Urssaf et non plus par les Agessa. Ils perdent aussi des interlocuteurs privilégiés.

Cette exception culturelle à la française du statut d’auteur est née d’une volonté de donner un cadre à cette profession méconnue. Le Centre national du livre a toujours œuvré en leur faveur notamment en ce qui concerne la rémunération du traducteur. Un éditeur sait qu’il devra payer 21 euros du feuillet pour un livre dit grand format. C’est un dispositif assez unique. Mais c’est aussi le prix moyen de l’anglais vers le français… depuis 15 ans ! Ici les acquis ne s’indexent pas sur le coût de la vie.

Le Syndicat national de l’édition a lui aussi réagi dans la foulée. Il apporte son soutien aux artistes-auteurs dans leur combat pour un statut spécifique. Son président Vincent Montagne demandait le 11 juillet « que les réformes du système social et fiscal tiennent compte des spécificités des artistes-auteurs ».

« Éditeurs et auteurs sont les maillons d’une même chaîne du livre, dont l’équilibre économique est fragile. Le gouvernement français ne doit pas le fragiliser davantage. »

Introduisant là un nouvel élément. Il y a quelques années pour favoriser le monde de l’édition, un choix politique fût fait : celui de taxer au minimum les maisons d’édition. Et le paysage français de ces dernières fut florissant. Aujourd’hui l’idée d’augmenter leurs cotisations pour ai- der la situation sociale des auteurs est évoquée… avec une ministre de la Culture qui bottera en touche car, de fait dessaisie du dossier dès qu’il touchera aux diffuseurs…

Marie-Laure Thomas (La Marseillaise, le 30 juillet 2018)

3.062 écrivains sont recensés en France.
41% des auteurs considérés comme professionnels gagnent en 2018 moins que le Smic.
1.148 traducteurs sont ailiés à l’ Agessa.
58 langues, de l’afrikaans au vietnamien en passant par le ladino, le malayalam, le tibétain et le swahili sont traduites par les membres de l’ATLF

Le contexte

Début juillet, avec étonnement, voire curiosité, les Français apprennent qu’Édouard Philippe, Premier ministre, a retiré à la ministre de la Culture en poste, la régulation économique du secteur de l’édition dont elle est issue. Françoise Nyssen, à sa demande, est extraite de ses attributions concernant « la tutelle du Centre national du livre » et « la régulation économique du secteur de l’édition littéraire ». Parallèlement une concertation a démarré afin de débattre du futur statut des auteurs.

Que se passe-t-il dans le monde de l’édition ?

Marie-Laure Thomas (La Marseillaise, le 30 juillet 2018)

Un métier qui fait rêver, pourtant sans paillettes

« Baudelaire traduisait Edgar Allan Poe et Françoise Sagan, Tennessee Williams ». Dès les premiers mots, le décor est posé, la barre est haute. Le métier de traducteur ne compte pas pour du beurre, il ne date pas d’hier et ne concerne pas que les notices.

A Hyères, Luce Michel est passionnée : « Quand tu fais correctement ton métier, le lecteur ne se rend même pas compte que tu existes, il retrouve la voix de l’auteur ». Pour cela pas de miracle, passer d’une langue à une autre, demande un maximum de concentration et du temps. « On ne traduit pas de la même façon un auteur britannique et un auteur américain, la langue est la même mais derrière il y a un pays, une culture. » Il y a tout un processus, avant l’impression. Entre la signature du contrat et le rendu se passe 3 à 6 mois, le salaire suit la même temporalité. Un cerveau humain, même aguerri n’en traduit environ que quatre par an. Pour son métier d’auteur, le statut est le même. L’inspiration en plus, la liberté de donner libre cours à son imagination en prime. Et aussi et toujours la difficulté de trouver une maison d’édition qui accepte de les publier, de les diffuser et de les promouvoir…

« Sur les 260.000 auteurs concernés par la réforme du statut d’auteur, seuls 10% vivent de leur travail. » Elle en fait partie. Mais, elle dit aussi « plus je gagne en compétence, plus mes conditions de vie se détériorent ». Ni chômage, ni congés payés, Luce Michel vit son métier comme un privilège, mais reconnaît sa précarité. « Aucun auteur ne touche des revenus mensuels, Comment avoir une visibilité d’un an sur un métier aussi précaire ? ». « On a une ministre de la Culture qui vient du monde de l’édition, et un président qui se définit comme un esprit éclairé. J’ai comme une impression de sabotage qui se profile ».

Quelle serait la solution ? La réponse fuse « quitter la France ! Car à l’étranger le brut versé par l’éditeur est ton net ; vu que tu ne payes pas les charges. » Il ne reste donc plus qu’à espérer que la concertation sur le statut aboutisse. Sinon, c’est pendre le risque que l’éminence grise du monde de l’édition disparaisse engloutie par une réforme globale.

Marie-Laure Thomas (La Marseillaise, le 30 juillet 2018)

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Une réforme mortifère pour le statut des auteurs ?

le 30 juillet 2018

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