Avec 38 voix contre et 31 pour, le projet de loi ne passe pas.
Alors que les députés l’avaient approuvée, le Sénat a rejeté hier la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), une revendication qui s’est heurtée à la résistance de l’Eglise, puissante, au pays du pape François.
Quelques heures après l’échec du projet de loi, le gouvernement argentin a souligné qu’un effort allait être fait sur la prévention. « Le débat va continuer », a- t-il assuré. « Le problème est là, et nous devons continuer de travailler pour que toutes les femmes aient la possibilité de choisir et de planifier leur vie », a assuré le président argentin de centre-droit, Mauricio Macri. Le chef de l’État a annoncé que l’éducation sexuelle serait renforcée dans les écoles. Elle y est théoriquement obligatoire, mais la mesure n’est pas appliquée.
« La lutte continue »
Par 38 voix contre 31, le Sénat a rejeté hier à l’aube le projet de loi, après son adoption en juin par la chambre des députés.
Le débat sur l’avortement a profondément divisé la société argentine et l’Église s’est fortement mobilisée contre le projet de loi, du Vatican aux paroisses des 24 provinces d’Argentine. Les partisans des deux camps, séparés par des policiers, étaient présents devant le Congrès à Buenos Aires pendant la session parlementaire.
Les groupes anti-IVG ont salué la décision avec des feux d’artifice.
À l’autre extrémité de la place, des milliers de militantes féministes, mobilisées depuis des mois voire des années, ont accusé le coup à l’annonce des résultats. Certaines étaient désolées, pleuraient, d’autres réaffirmaient leur engagement en faveur de leur cause. « On va continuer de se battre, comme on le fait depuis de nombreuses années », assure Sofia Spinelli, 26 ans.
« On a vécu des journées historiques. Au début, nous étions nombreuses mais pas autant. On a gagné dans la rue, mais la représentation politique n’est pas fidèle à ce qui se passe dans la rue », déplore-t-elle. Mauricio Macri, opposé à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG), a impulsé le débat sur l’avortement au parlement, une première dans l’histoire du pays sud-américain. Avant cela, les tentatives précédentes d’engager un débat au Congrès avaient été bloquées par les parlementaires, sans qu’un vote puisse intervenir. Alors qu’un député de la coalition gouvernementale Cambiemos (Changeons) avait mentionné l’idée d’un référendum, le chef du gouvernement Marcos Pena a réaffirmé que le débat continuerait dans un cadre parlementaire.
Marcos Peña a rappelé que le 21 août, l’exécutif allait envoyer au parlement une réforme du code pénal.
L'Indépendant, le 10 août 2018
Au pays du pape François, la légalisation de l’avortement attendra. Une preuve supplémentaire qu’en ce domaine, le mouvement de société n’est pas aussi irréversible que l’on pourrait le penser. Ce droit essentiel pour les femmes a déjà été remis en cause : en Pologne, en Espagne, où la tentative du Parti populaire de revenir en arrière avait échoué en 2014. Les opinions, elles, semblent prêtes. En Irlande, pourtant un pays très catholique comme les précédents, un référendum a validé ce droit cette année. En Argentine, c’est cette voie que les partisans de la légalisation souhaitent emprunter. Car l’obstacle vient souvent des mêmes milieux : l’église et les représentants les plus conservateurs, à l’image des sénateurs argentins. Dans la population, l’approche est moins dogmatique, plus humaine. Selon les estimations, 500.000 avortements seraient pratiqués chaque année en Argentine. Soit le double de la France où il est légal et la population plus nombreuse. Un prélat argentin peut bien qualifier le projet de légalisation de « vieilles lois du siècle passé », affronter la réalité reste un devoir immuable.
Pierre Mathis (L'Indépendant, le 10 août 2018)
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