De sa naissance à Perpignan en 1918, à sa mort à Los Masos à l’été 2011, Léo a été très attaché aux Pyrénées-Orientales. Mais son engagement militant l’a souvent emmené bien loin du Canigou. Pour retracer cette histoire complexe nous avons utilisé des extraits de son livre « Jeunesse militante, chronique d’un jeune communiste des années 30/50.
Fils d’un maraîcher perpignanais devenu ouvrier agricole à Prades, Léo, orphelin de mère à 4 ans connut une enfance difficile.
Prades début des années 1930 : lecteur de l’humanité
« C’est en suivant mon père les soirs ne fin de semaine / à la petite buvette que tenait l’unique militant communiste de Prades, Jean Roca / que j’ai appris à lire l’Humanité /…/ la Vie Ouvrière, Regards. Chaque fois que j’allais chez lui, je m’isolais dans un coin tranquille de la salle commune pour me plonger dans la lecture de ces journaux où palpitait une certaine vie du monde. /…/ C’est ainsi que sans rien perdre de mon esprit et de mes jeux d’enfants, je me sentais devenir un communiste gagné de sympathie pour ceux dont les sacrifices et souvent l’héroïsme étaient magnifiés par l’Humanité. »
1932 : première action et en engagement à la JC
Lors des élections de 1932, le socialiste Jean Rous « créa un cercle électoral actif dénommé l’Avant Garde qui fut sans doute le principal artisan de la défaite de R.V. Manaut, tout ancien ministre qu’il fut. /…/ La victoire du candidat socialiste au 2° tour du scrutin fut saluée par des manifestations de liesse. Je n’en était pas entièrement satisfait parce que j’avais été un soutien ardent de la candidature communiste. Il est vrai que je l’avais défendue en rédigeant un petit journal manuscrit, qui m’avait valu des observations du directeur, diffusé à un public qui n’était pas électeur, puisqu’il s’agissait de mes camarades d’école. »
D’où son abonnement à l’Avant Garde, « l’organe de combat des jeunes travailleur » puis son adhésion aux jeunesses communistes.
Devant les problèmes financiers de son père, Léo arrêta ses études à l’école primaire supérieure de Prades et, en juin 1933, devint apprenti typographe à Perpignan.
1934 : l’essor de la J.C.
« Avec un groupe de militants parmi lesquels André Tourné, nous nous dépensions sans compter. À moto, à vélo et s’il le fallait à pied, nous visitions sans trêve les petites villes et villages, nous accompagnions les orateurs du Parti pour faire de nouveaux adeptes. /…/ En moins d’une année, nous étions passés de quelques dizaines à près d’un millier de jeunes communistes. »
« C’est peut-être pour rendre hommage à l’effort que les militants de la J.C. avaient consenti pour développer leur organisation, que l’on m’élut au printemps suivant au comité régional du Languedoc du P.C.F. j’avais alors 16 ans. »
Juillet 1935 : Berta (Jeunesse Socialiste) et Léo (JC) déposant une gerbe au monument Jean Jaurès
Cette « promotion » fut suivie rapidement de bien d’autres :
Surtout en 1935, avec une dizaine de responsable d la J.C., il gagna Moscou pour suivre les cours de l’école de l’Internationale communiste. Mais la nécessité de développer l’aide à l’Espagne républicaine fit qu’au printemps 1937, un an avant la date fixée, Léo et ses camarades revinrent en France et Léo retrouva Perpignan.
« Les camarades me proposèrent d’assumer la responsabilité du secrétariat et l’impression du Travailleur catalan en même temps que la direction des J.C. du département qui comptaient douze cents adhérents. Une organisation de jeunes filles, "l’Union des Jeunes Filles de France" existait depuis 1936 et se développait sous l’impulsion d’une toute jeune militante, Rose Blanc, jeune travailleuse vive, intelligente et combative avec laquelle je me liait vite d’amitié. »
Toutefois son séjour dans les Pyrénées-Orientales fut de courte durée : « en septembre 1937, je fus chargé de convoyer un groupe de volontaire français jusqu’à Figueras et l’on m’avait laissé entendre que de là je pourrais moi-même être appelé à continuer la route jusqu’à Albacete afin d’être versé dans les brigades ». Mais là, contrordre : Léo appris qu’il était chargé de mettre sur pied l’Union de la Jeunesse Agricole de France dont le principe avait été décidé. D’où de nombreux déplacements à travers la France et un voyage à New-York en août 1938 pour participer au Congrès mondial pour la Jeunesse pour la Paix.
Début octobre 1938 « sans même repasser par les Pyrénées-Orientales », Léo gagna la corse pour faire son service militaire.
En décembre 1940, il entra en contact avec Pierre Georges (le futur colonel Fabien) venu assurer les liaisons avec la J.C. de l’île. Aussi, après sa démobilisation en avril 1941, il devint un des trois dirigeants de la J.C. en zone sud. Il résida alors dans la région lyonnaise jusqu’à la Libération, date à laquelle il gagna Paris pour participer à la direction nationale de la J.C.
Après avoir assisté le 31 août 1944 à la réunion du Comité Central dans Paris libéré, Léo revint à Perpignan pour participer à « un rassemblement populaire organisé par le Parti et la Jeunesse communiste et où je devais parler au côté d’André Marty. Une immense foule emplissait le vaste garage Citroën dans le quartier Saint-Martin pour fêter avec nous la libération du pays ».
1945/1946 : une vie partagée entre Perpignan et Paris
Dès son retour à Paris, Léo fut « désigné membre de l’Assemblée consultative provisoire au titre des Forces Unies de la Jeunesse Patriotique. Celles-ci représentant l’ensemble de la jeunesse résistante avaient six délégués. » Puis, après qu’à Pâque 1945, le congrès de la J.C. ait décidé de sa dissolution et la création de l’Union de la Jeunesse Républicaine de France, Léo déploya tout son talent à la mise sur pied de cette nouvelle organisation.
Parallèlement, on lui demanda de mener la liste communiste aux élections pour l’assemblée constituante dans les Pyrénées-Orientales. Ave plus de 40% des suffrages exprimés, Léo fut élu député 21 octobre 1945 et le 2 juin 1946.
Novembre 1946 : l’adieu au Roussillon
« La direction du Parti, sur la suggestion de Maurice Thorez qui m’en avait entretenu, avait jugé que je devais me consacrer à l’activité de la jeunesse et qu’il n’était plus nécessaire que je cumule mes responsabilités aux Jeunesses communistes avec celles d’un lointain département, qui m’occasionnaient bien des déplacements et des fatigues. Je discutai quelque peu cette décision, car être député chatouillait agréablement ma vanité de jeune militant, mais je me rendis vite aux raisons des camarades qui étaient parfaitement justifiées. »
La liste communiste (André Toutné, Léo Figuères, Gilette Anglès) recueillit près de 42% des suffrages exprimés « et il s’en fallut d’ailleurs de peu de voix que nous n’obtenions deux sièges ».
Octobre 1947 : avec Maurice Thorez à Perpignan
Directeur de l’Avant Garde et membre du Comité Central du P.C.f, Léo avait une vie militant des plus remplie. À la fin de l’été 1947, « Les médecins devant un état de fatigue alarmant, m’avait conseillé de prendre un repos prolongé. Je le pris avec ma famille à Corneilla-du-Conflent au pied du Canigou. /…/ En octobre, je descendis à Perpignan où Maurice Thorez venait assure un important rassemblement. Je retrouvais Maurice soucieux /…/ C’est à ce rassemblement que notre camarade annonça pour la première fois publiquement les conclusion de la Conférence des Partis communistes et ouvriers qui venaient de se tenir à Varsovie. »
1950 : un voyage en Indochine lourd de conséquence
Ses responsabilités à la tête de l’U.J.R.F. l’amenèrent à faire des voyages à Londres, à Varsovie et à Moscou. Surtout en pleine guerre d’Indochine, il se rendit dans les régions libérées par le Viêt-minh et rencontra ses principaux dirigeants dont Ho-Chi-Minh.
À son retour en France, le gouvernement français ayant lancé contre lui un mandat d’arrêt pour « démoralisation de l’armée et de la nation », il entra dans la clandestinité.
Élections législatives de 1951
« Je fus à nouveau présenté par les camarades des Pyrénées-Orientales et ils purent ainsi faire campagne contre la guerre d’Indochine qui sensibilisait de plus en plus de Français /…/ Je me déplaçait de Lyon à Carcassonne pour pouvoir prendre place à la campagne électorale ». C’est là que Léo a appris qu’un tribunal militaire « réuni à la sauvette, sans grande publicité, me condamna à sept ans de réclusion par contumace ». Pour Léo « cette condamnation coïncida avec l’annonce de ma candidature dans les Pyrénées-Orientales. Étant donné que notre Parti obtenait ordinairement plus de 40% des voix / 42.200 voix sur les 102.400 suffrages exprimés en novembre 1946 /, il suffisait d’un petit déplacement de suffrages pour que les "apparentés" perdent un de leurs sièges.
Je pris part à des réunions publiques notamment à Estagel et à Perpignan où mes compatriotes en grand nombre me réservèrent un accueil chaleureux, sans que la police fasse la moindre tentative pour m’appréhender. C’est alors que le rédacteur de La Dépêche du Midi à Perpignan laissa entendre dans un papier que l’un des candidats communistes aurait été condamné par un tribunal et par conséquent serait inéligible. /…/ La manœuvre subalterne atteignit son but et nous fit perdre les quelques centaines de voix qui aurait été nécessaires pour avoir un deuxième siège ». Toutefois avec 38.138 voix sur 107.169 suffrages exprimés, André Tourné fut réélu.
1952 / 1954 : à Bucarest
« Début 1952, la direction du Parti me proposa de succéder à George Cogniot comme représentant du P.C.F. auprès du Bureau d’Information des Partis communistes et ouvriers dont le siège se trouvait à Bucarest. »
1954 : présent à la fête du Travailleur catalan
En juillet 1954, la guerre d’Indochine ayant pris fin, il fut décidé que Léo reviendrait en France et « que le moment était venu de mettre un terme à ma situation /de clandestin/ et de placer les autorités soit dans l’obligation de me faire un procès qui serait celui de la guerre d’Indochine soit de me permettre de retrouver une libre activité ».
Afin de donner tout son sens politique à cette arrestation, il fallait qu’elle ait lieu au cours d’une manifestation publique. C’est ainsi que Léo participa à la fête du Travailleur catalan. Début juillet, parmi les stands sous les platanes, « je visitait les différents groupes, reconnaissant ici et là bien des camarades de jeunesse, tout heureux de ces retrouvailles après des années de séparation. Dans la foule rodait des policiers /…/ Comme chaque année, la fête s’interrompit au milieu de l’après midi pour laisser la place au meeting politique et j’y parlait au nom du Comité central /…/ Aucune tentative ne fut faite pour m’en empêcher ».
Arrêté le 15 décembre 1956, son procès ouvert le 17 janvier 1957 fut ajourné sine die. Léo out alors exercer librement d’importantes responsabilités nationales et internationales tout en étant conseiller général de 1959 à 1994 et maire de Malakoff de 1965 à 1996. Si durant cette période, ses séjours dans les Pyrénées-Orientales furent brefs, il en fut autrement à partir de 1988.
En 1988, Léo acheta une maison à Los Masos et prit l’habitude d’y faire, avec sa famille de longs séjours. C’est alors pour lui l’occasion de rencontrer les camarades de sa jeunesse. Il participait volontier aux assemblées générales de l’Amicale des vétérans et répondait toujours présent lorsqu’on le sollicitait pour parrainer une cérémonie commémoratives. C’est ainsi qu’il présida le comité qui éleva une stèle à la mémoire de Rose Blanc. En mai 2011, peut avant sa mort, il écrivit à l’ANACR : « D’accord évidemment pour parrainer la manifestation de Port-Vendres pour nous déportés » en Afrique du nord en 1941.
Léo avait bien raison d’écrire : « Cette simple chronique entend surtout montrer que la vie militante est généreuse, tumultueuse et en fin de compte passionnante et peut être que d’indiquer le chemin qu’on a suivi hier soi-même sera de quelques utilités pour ceux qui s’y engagent aujourd’hui. »
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