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L’Aquarius à Malte. Un accueil au compte-gouttes…

Malte a donné son accord pour le débarquement des 141 passagers de l’Aquarius qui seront pris en charge par cinq pays européens. Réponse sans lendemain ou « prémisses d’une solution pérenne coordonnée et européenne » ? Comme l’espèrent les responsables de SOS Méditerranée. Décryptage.

SOS Méditerranée et le personnel navigant et humanitaire de son navire, l’Aquarius, le savaient et s’y étaient préparés avant de reprendre la mer le 1er août dernier, au terme d’un mois d’escale technique à Marseille. « En deux mois, le contexte a changé », rappelle Sophie Beau, la cofondatrice de l’association, lors de la conférence de presse qui s’est tenue mardi. Les ports d’Italie et de Malte refusent d’accueillir les navires humanitaires ; et, au lendemain de la réunion des pays européens sur la question migratoire, Tripoli a été missionnée pour être le centre de coordination des secours et des sauvetages en mer dans la zone… Après avoir recueilli vendredi dernier 25 personnes lors d’une première opération de sauvetage au large des côtes libyennes, puis 116, flottant sur une embarcation en bois, sans eau ni vivre, l’Aquarius était désormais en attente d’un « port sûr » pour les débarquer.

Les coordinateurs de Tripoli n’ont pas orienté le navire vers un port lybien, mais encouragé à faire appel à d’autres centres. Les demandes de l’Aquarius ont ensuite été faites en deux temps, auprès de Malte et de l’Italie, puis élargies à la Grèce, la France et l’Espagne… L’Aquarius, avec à son bord des migrants, et sans possibilité de débarquer. C’est le scénario auquel il avait dû déjà faire face en juin dernier, et qui l’avait conduit jusqu’à Valence, en Espagne. Bis repetita pour le Lifeline, de l’ONG allemande éponyme et ses 240 passagers, autorisés finalement à entrer dans un port maltais, mais depuis « mis sous séquestre » pour avoir désobéi aux gardes-côtes libyens… Le capitaine du navire ayant refusé de leur remettre les rescapés, car cela s’apparentait « à les refouler à la frontière », ce qu’il estime « contraire au droit international ». Même péripétie pour le Sea Watch 3 allemand « sous séquestre », début juillet. Quant au quatrième des cinq bateaux humanitaires qui opèrent en Méditerranée, l’Open Arms, affrété par l’ONG espagnole Proactiva, il a été contraint de mettre le cap sur San Roque, près d’Algésiras, au Sud de l’Espagne, pour débarquer ses 87 migrants secourus début août. Autant de réponses au coup par coup, à défaut d’une solution pérenne laissée dans l’impasse des négociations entre les 28 pays membres de l’Europe.

Criminalisation de l’action humanitaire

« Les navires qui portent secours se retrouvent avec des rescapés à bord et dans l’impossibilité de débarquer. Pour un navire tel que le nôtre, l’Aquarius, c’est une chose, pour un navire commercial, cela créé un contexte extrêmement défavorable… » détaille Hassiba Hadj-Sahraoui, de Médecins sans frontière. Avant d’être pris en charge, vendredi, par le navire de SOS Méditerranée : « des rescapés ont été en contact avec d’autres bateaux qui ont refusé de les prendre en charge, nous ont-ils dit » poursuit la responsable associative, « malgré l’obligation de porter assistance… C’est un développement que l’on craignait, et c’est le résultat direct des politiques européennes ».

Aussi, l’autorisation d’accoster donnée par Malte assortie de l’accord signé par cinq pays européens -la France, l’Espagne, l’Allemagne, le Luxembourg et le Portugal- pour se répartir les réfugiés est « une ébauche intéressante d’un mécanisme à pérenniser » insiste Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS Méditerranée. Le port maltais de La Valette, étant le plus proche de « la zone d’urgence ».

Un accord signé entre pays européens, mais qui n’a pas été initié par l’Union européenne. C’est pourtant « un problème de la rive sud de l’Europe, de sa frontière au Sud, et qui implique les 28 pays de l’Union européenne. On ne peut pas s’en déresponsabiliser », insiste Sophie Beau. Et « on ne peut évidemment pas laisser Malte ou l’Italie seules face à ça ».

Ce qui a été longtemps le cas, jusqu’au séisme politique survenu dans la péninsule italienne avec l’arrivée au pou- voir de l’extrême droite et des populistes. Une élection qui a renforcé la position des pays comme la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie, hostiles à tout mécanisme de répartition des réfugiés.

Aussi, le seul dispositif pouvant être immédiatement mis en place s’appuiera, non sur des obligations, mais sur le volontariat des pays accueillant. Au compte-gouttes dans un océan de détresse.

La Marseillaise, le 16 août 2018

Repères

141. L’« Aquarius », affrété par SOS Méditerranée, est resté bloqué en mer entre Malte et l’Italie après avoir secouru vendredi 141 personnes au large des côtes libyenne. Mardi, Malte s’est finalement proposé de l’accueillir.

13.792 personnes ont été recensées comme s’étant noyées en mer Méditerranée centrale par l’Organisation internationale des migrations entre janvier 2014 et mars 2018.

29.318. Depuis sa première mission en février 2016, « l’Aquarius » et les équipes de SOS Méditerranée ont porté secours à 29.318 personnes.

La Marseillaise, le 16 août 2018

Appel d’air : les faits contre l’intox

Décidément souvent sur la même ligne politique, Les Républicains et le Rassemblement National ont fustigé ces derniers jours la possibilité d’accueillir l’Aquarius dans un port français, estimant que cela créerait « un appel d’air » pour les réfugiés, l’action humanitaire menée par les différents navires font « le jeu des passeurs » ose même déclarer l’extrême droite. Sophie Beau, la présidente de SOS Méditerranée, a rappelé, lors de la conférence de presse donnée mardi à Paris, que « le nombre d’embarcations en Méditerranée avait augmenté ces deux derniers mois alors qu’aucun navire humanitaire n’était sur zone, avec des conséquences dramatiques : 721 morts en juin et juillet ». Bref, « il n’y a pas d’appel d’air » mais des gens « fuyant les guerres et les persécutions ».

La Marseillaise, le 16 août 2018

Jean-Claude Gayssot. « Il faut sauver ces vies ! »

Un jour avant Malte, Jean-Claude Gayssot, président du port de Sète annonçait pouvoir accueillir l’Aquarius et les migrants à son bord. Une position qui se veut « humaniste » avant tout.

La Marseillaise. Avant l’annonce de Malte, vous aviez annoncé être en capacité d’accueillir l’Aquarius. Pour quels motifs prenez-vous position ?

Jean-Claude Gayssot. C’était un coup de poing sur la table afin de mettre la France face à ses responsabilités ! Je suis plus qu’heureux qu’une solution ait été trouvée avec Malte. Quand j’ai vu que l’Italie refusait d’accueillir le navire, j’ai contacté l’Aquarius afin de leur proposer un accueil dans le port de Sète. Ce sont ceux qui rejettent l’Europe et reviennent à un nationalisme exacerbé qui font les pires des choses en ne voulant pas recevoir le navire. Je fais partie des 500 signataires qui soutiennent leur mission de sauvetage, et l’un des rares présidents de port à s’être positionné en leur faveur. Dans le fond, c’était pour interpeller les autorités françaises et européennes sur leurs politiques qui sont lamentables.

La Marseillaise. Le port de Malte est-il plus approprié pour accueillir le navire ?

Jean-Claude Gayssot. Pour le bien du navire, je préfère que ça soit des ports de la Méditerranée centrale qui l’accueille, comme Malte. La Corse s’était également déclarée en capacité de recevoir l’Aquarius. C’est une question de distance, de cette manière ils retourneront sauver des vies plus rapidement. Sur le plan technique ; nous avons trois quais où il est possible d’amarrer le navire. Nous recevons 120 000 touristes croisiéristes par an, nous pouvions donc bien accueillir l’Aquarius ! Une fois dans le port, les réfugiés auraient été reçus, de manière humaine, dans des centres d’accueil avec des conditions de vie correctes, j’espère que ça sera également le cas à Malte. Il ne manquait plus que le feu vert de l’État.

La Marseillaise. Attendiez-vous une prise de position plus rapide des autorités ?

Jean-Claude Gayssot. J’ose espérer que ma proposition a contribué à une prise de décision des autorités avec Malte. L’Aquarius attendait l’accord d’un État et pas d’un port. Il faut savoir dépasser les clivages politiques pour mettre en avant la dimension humaine. Dans le droit maritime international, c’est une obligation d’aller au secours des naufragés. La politique, l’économie viennent après. J’ai une opinion sur la politique migratoire que je laisse de côté car ce n’est pas la priorité : il faut d’abord sauver des vies ! Le gouvernement doit prendre ses responsabilités comme l’a fait celui de l’Espagne il y a quelques semaines.

La Marseillaise. Le dépassement des clivages politiques est-il suffisant pour faire avancer la situation de « l’Aquarius » ?

Jean-Claude Gayssot. Il n’y a que l’extrême droite qui campe sur ses positions. À l’époque de ma loi contre le racisme et l’antisémitisme, c’était déjà les seuls à ne pas avoir reconnu l’importance de celle-ci. Il n’y a pas de lien direct mais une fois de plus ils sont fidèles à eux-mêmes. On parle ici de sauver des vies, de femmes et d’enfants.

Propos recueillis par Amaury Baqué (La Marseillaise, le 16 août 2018)

Le naufrage de l’Europe

Il aura fallu, une fois de plus, le coup de gueule médiatique des humanitaires de l’ONG SOS Méditerranée et de Médecins sans frontières pour que l’Union européenne réagisse et décide de tendre très timidement la main aux naufragés de l’Aquarius. Car en dépit du droit maritime international et des droits humains les plus élémentaires, l’Europe laisse mourir les migrants en Méditerranée et refuse désormais d’ouvrir ses ports en traitant en criminels ceux qui leur portent secours. Or,onnelerépétera jamais assez : nous ne faisons pas face à une crise migratoire mais à une crise de l’accueil.

Des milliards dépensés pour repousser les étrangers

Les dirigeants actuels de l’Europe cadenassent le continent et dépensent des milliards pour repousser les étrangers. Leur absence de solidarité a laissé l’Italie livrée à elle-même pendant des années. Conséquence : les dernières élections ont porté au pouvoir les néo-fascistes et les populistes.

Mais comment imaginer que la misère et les guerres qui font rage en Syrie, au Soudan et au Yémen notamment (avec le soutien des pays occidentaux dont la France) vont empêcher des êtres humains de vouloir sauver leur peau ? En refusant de prendre ses responsabilités, l’Europe est en train de se noyer elle-même en cédant au repli identitaire et aux nationalismes.

Françoise Verna (La Marseillaise, le 16 août 2018)

Réactions

Ian Brossat, Chef de ile des communistes aux élections européennes. « C’est évidemment une bonne nouvelle pour l’Aquarius que Malte accepte de les accueillir. Mais le navire ne peut pas attendre des jours et des jours qu’un port se propose. Cela révèle l’état de désorganisation de l’Europe. Le silence des chefs de gouvernement, particulièrement celui d’Emmanuel Macron est une honte absolue. Il s’est félicité des mesures prises au dernier sommet européen, on voit bien qu’il n’en est rien. La politique mise en place est inhumaine, la seule solution serait d’instaurer des voies légales d’arrivée pour les réfugiés. Ces dernières seraient suivies d’une répartition équitable à l’échelle européenne. C’est inacceptable de voir l’Europe dépenser des milliards afin d’ériger des frontières pour que les réfugiés n’arrivent pas ici. Il n’y a pas de réelle volonté de tenir tête aux gouvernements d’extrême droite ».

Génération.s, France insoumise, PS… les réactions à gauche se multiplient.

« La France se grandirait de faire preuve d’humanité », martèle Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie. Pour elle, comme pour beaucoup, la France ne peut se résoudre à laisser des personnes en détresse, fuyant leur pays et la guerre, mourir en Méditerranée. « Nous ne pouvons pas laisser des embarcations errer en mer et laisser la Méditerranée devenir un cimetière de migrants » a t-elle souligné. Avant d’ajouter : « Cela ne se fera pas simplement mais nous avons les moyens, aujourd’hui, d’apporter une réponse à l’échelle de la France et de l’Europe ».

Du côté de la France Insoumise, les arguments sont les mêmes. Le député Éric Coquerel rappelle qu’une loi du début du XXe siècle dit qu’« on a l’obligation de porter assistance à une personne en détresse en mer peu importe qui il est ». Et de mettre en opposition les réactions actuelles des pays européens : « Dès qu’il s’agit de migrants, on s’en lave les mains, c’est inhumain et inefficace ». Pour lui, la France a les moyens de prendre les devants et ce serait la seule manœuvre à faire pour que le reste des pays européens suivent : « Il faut revenir sur des opérations communes avec une politique de coopération entre les pays mais pour cela la France doit montrer l’exemple », estime-t-il.

Quant au mouvement Génération.s, il demande à travers un communiqué de « rendre à la France son rôle de pays d’accueil à l’image de la fraternité que défendent les citoyens mobilisés pour la solidarité avec les migrants ». Pour le parti de Benoît Hamon, ces drames ne sont que le reflet de « la fermeté d’opérette de M. Macron, qui cède en réalité avec une faiblesse et une complicité coupables aux pressions de M. Salvini et de l’extrême droite européenne et française ».

La Marseillaise, le 16 août 2018

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L’Aquarius à Malte. Un accueil au compte-gouttes…

le 16 August 2018

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