Monsieur le Préfet des Pyrénées-Orientales,
Monsieur le Directeur académique des Pyrénées-Orientales,
Madame la Présidente du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales,
Mesdames et Messieurs les membres du CDEN,
Personnels, parents d'élèves, élèves tiennent à vous faire part de la grande inquiétude suscitée par les annonces du président de la République sur la réouverture progressive des écoles et établissements scolaires à partir du 11 mai.
Tout le monde souhaiterait pouvoir reprendre l’école et sortir d’une situation où l’ensemble des élèves subissent les conséquences de la crise et où les inégalités scolaires se creusent. Mais les conditions seront-elles réunies à compter du 11 mai ? En prolongeant au-delà de cette date la fermeture des cafés, restaurants, lieux de culture, etc., le président de la République a lui-même anticipé le maintien d’une situation de risque sanitaire nécessitant la poursuite de la plus grande vigilance.
Nous n’avons pas la prétention de connaître l’ensemble des procédures à appliquer. Mais nous savons de manière évidente que les enfants ne respecteront pas les gestes barrières. De plus, les préconisations sanitaires pour la protection optimale de tous pourront-elles être strictement respectées. Voici ces conditions sine qua non à la reprise :
la mise en place d’une politique massive de tests qui devra correspondre aux préconisations du Conseil scientifique et de l’OMS ;
Depuis le 14 avril 2020, le ministre de l’Éducation nationale consulte les organisations représentatives des personnels, des parents d’élèves et le CNVL. Pour l’instant, aucune recommandation sanitaire n’a été donnée, et n’est redescendue jusqu’aux instances de l’Académie de Montpellier. Notre inquiétude est totale, alors que la fameuse date du 11 mai est dans l’esprit de tous, et c’est dans moins de 3 semaines, sans qu’aucune précision pour nous rassurer n’ait été donnée.
Par ailleurs, le collège Jean Moulin à Perpignan, a été réquisitionné ces dernières semaines pour devenir un centre de consultation Covid-19. Aussi, si cette réquisition demeure nécessaire au-delà du 11 mai 2020, pour que la politique nationale de santé face au Covid-19 ne soit pas fragilisée, le collège ne sera pas réouvert et la reprise des élèves sera différée.
De nombreux parents refuseront coûte que coûte d’envoyer leurs enfants dans les établissements scolaires le 11 mai, et personne ne pourra les convaincre du contraire, tant la situation sanitaire dramatique et anxiogène a malheureusement connu une gestion contradictoire et approximative. Les équipes éducatives, en première ligne, sont également extrêmement anxieuses. De plus, le flou actuel concernant l’absence de modalités pratiques, le manque de stratégies de déconfinement dans les établissements scolaires, la méconnaissance sur la durée de vie du virus, le ou les objectifs de cette reprise, n’incitent guère à une reprise aussi proche, et nous souhaitons que vous fassiez remonter notre positionnement commun porté ce jour en CDEN des Pyrénées-Orientales.
Notre autre inquiétude commune se porte sur la continuité pédagogique. Depuis le 16 mars au matin, les écoles, collèges, lycées et universités sont fermés, laissant place à une situation exceptionnelle et inédite d’enseignement à distance très ambitieux. Le ministre de l’Éducation nationale, via une communication à tout-va annonçait que la classe numérique était prête et qu’« aucun enfant ne serait laissé au bord du chemin ».
Bien au contraire, cette continuité numérique a engendré de multiples difficultés caractérisées par une pression démesurée sur les élèves, leurs parents et les enseignants et a mis en exergue l’impréparation générale de tous, face à une « école à la maison » à laquelle ni les enseignants, ni les élèves, ni leurs parents, n’ont été formés et ne sont matériellement préparés ; avec certains enseignants obligés de réinventer leur pédagogie, et des élèves avec leurs parents ballotés dans une nouvelle école à la maison.
Les inégalités existent, le confinement, hélas, n’efface pas ces réalités mais les révèle plus cruellement encore et les exacerbe. Il convient de ne pas les creuser davantage. Il s’agit avant tout de maintenir le lien avec tous les élèves et toutes les familles pour les rassurer et les accompagner.
Vouloir à tout prix enseigner de nouvelles notions durant la période de confinement va inévitablement aggraver les inégalités scolaires, entre les élèves qui auront été dans des conditions matérielles propices aux apprentissages et les autres socialement défavorisés.
S’il est nécessaire de se poser ensemble la question de l’après, il faut cesser sur le temps présent de multiplier les messages contradictoires, et clarifier les objectifs et les conditions de cette reprise. Si le lien éducatif a été chaque fois que possible maintenu avec les élèves dans la période de confinement, le fonctionnement normal de l’école s’est arrêté le 13 mars et à la reprise, beaucoup d’éléments du programme devront être repris, selon les niveaux, en tenant compte de ce temps suspendu : c’est cela qui constituera la continuité des apprentissages due à tous les élèves.
La crise du Covid-19 est loin d’être achevée. Ne prenons surtout pas le risque d’exposer l’école dès le 11 mai sans être véritablement préparés. Si les conditions n'étaient pas remplies, les risques encourus par les élèves, les personnels et la population devront conduire à différer l'ouverture des écoles et des établissements scolaires prévue à partir du 11 mai.
Nous vous remercions.
le 21 April 2020
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