Les nouvelles ne s’améliorent guère sur le front de la pandémie. La France reste dans l’expectative, entourée de pays qui vivent maintenant, après avoir confiné plus tardivement que nous, une flambée épidémique, tandis que de nouvelles souches rendent insaisissable la circulation du virus. La course à la vaccination n’en devient que plus haletante.
L’humanité est confrontée à un défi inédit. Il faudrait, nous dit-on, fabriquer entre 10 et 15 milliards de doses de vaccin pour endiguer la pandémie à l’échelle planétaire. Mais plus encore, planifier partout la distribution, le stockage et les protocoles médicaux. Le gouvernement français avance à tâtons, perdant la course contre la montre en noyant l’action publique d’une communication tous azimuts. Il recrute à prix d’or de gros cabinets -souvent étrangers- pour gagner en efficacité. Mais n’est-ce pas cette prétendue « efficacité » qui a mis tant de services publics en situation de pénurie, comme le montrent les criantes insuffisances de la lutte contre la pandémie ?
Les retards accumulés seraient ainsi liés à l’attente d’un vaccin européen et si possible français, via les laboratoires Sanofi. Cela fait pourtant des années que cette même entreprise est dépecée par des actionnaires rapaces avec la complicité agissante des pouvoirs publics. Quant à l’Institut Pasteur, faute de crédits d’État suffisants et dépendant des donateurs bénévoles, il paie aujourd’hui son retard.
La bataille pour une refondation totale du système de santé, partant des demandes des personnels, des chercheurs et des usagers, n’en devient que plus fondamentale, comme celle de la nationalisation-appropriation des laboratoires privés.
Car les palinodies de ces derniers jours ne servent qu’à masquer la vraie question posée sur les moyens d’une action publique égalitaire et d’intérêt général. Pendant que s’avance un pseudo débat entre « jacobinisme » et « girondisme », un nouveau cran est passé dans le transfert des compétences publiques au secteur privé.
Au nom même d’un soi-disant « girondisme décentralisateur », ont été mis en coupe réglé l’hôpital public et la médecine de ville par l’entremise des Agences régionales de santé. Avec pour conséquence un cruel manque de personnel médical pour assurer une campagne de vaccination rapide et efficace.
Tout ceci pour quels résultats ? Le premier, évident, est l’affaiblissement considérable des compétences publiques avec, à la clef, une perte de savoir-faire organisée au profit d’une bureaucratie capitaliste de plus en plus invasive et incapable. L’Etat loue à prix d’or le service de cabinets de conseil tandis qu’est amplifiée la chasse à « la dépense publique » utile et la baisse du nombre de fonctionnaires.
Le second réside dans le noyautage d’une haute administration contrainte de s’aligner sur les méthodes et l’éthique des cabinets privés à base nord-américaine. Ajoutons que ceux-ci jonglent continuellement entre l’action publique et le monde des affaires, tendant inexorablement vers une indifférenciation des deux sphères, propice au pantouflage.
Management et réductions des coûts deviennent les mantras de l’action publique et les fonctionnaires sont sommés de s‘y adapter, à rebours des principes de responsabilité censés fonder le statut de la fonction publique, et du fonctionnaire-citoyen défendu par Maurice Thorez et amplifié par le ministre communiste Anicet le Pors en 1981.
Les impérities gouvernementales servent ainsi, par un joli pied de nez, d’accélérateur à la destruction de l’action publique. Les leçons de cette pandémie devraient au contraire pousser à une double action : un renforcement considérable des outils de planification et une refonte progressiste du système de santé public, démocratisé et doté de moyens nouveaux, accompagnés de l’engagement radical d’un processus de transformation du système productif, plaçant l’être humain et la nature en son cœur dans une perspective de dépassement du capitalisme.
Patrick Le Hyaric (L’HD, le 14 janvier 2021)
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