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« Pegasus » : une arme de domination israélienne

L’onde de choc mondiale des révélations sur l’espionnage par le Maroc de défenseurs des droits humains, de journalistes, jusqu’au sommet de l’Ètat français, n’a pas fini pas de produire ses secousses.

Cette affaire devrait faire l’objet d’une mobilisation mondiale pour obtenir de nouvelles conventions internationales, au même titre que celles qui ont permis de diminuer considérablement le recours aux armes chimiques, aux mines anti-personnelles ou aux armes à sous-munitions. Les logiciels espions mis à disposition d’États ou d’entreprises pour infiltrer nos téléphones et en aspirer les contenus, y compris les plus intimes, doivent en effet être considérés comme de nouvelles armes non-conventionnelles. Non seulement ils portent atteinte aux libertés fondamentales, mais leur usage se traduit concrètement en emprisonnements, traques d’opposants et assassinats.

La France, particulièrement touchée par le scandale « Pegasus », devrait rapidement saisir l’Organisation des Nations-Unies pour relancer les discussions en vue de décider d’un traité de non-prolifération de ces armes et de la destruction de celles qui existent.

Ces enjeux n’ont évidemment pas été à l’ordre du jour de la rencontre entre le ministre israélien de la Défense et son homologue française, la semaine dernière. Cette visite confine à la tartufferie sans nom avec la complicité des autorités françaises. Le ministre israélien de la Défense a annoncé sans rire qu’il allait créer une commission d’enquête « interministérielle ». Autrement dit, quelques ministres israéliens vont se réunir à l’heure de l’apéritif pour se délecter du travail de leurs agents sans visage qui pillent les contenus des téléphones. Son annonce de « perquisitions » n’est qu’une opération d’enfumage du même tonneau, qui viserait plutôt à débusquer les lanceurs d’alerte à l’origine de ces révélations.

On ne peut se laisser berner. M. Gantz sait parfaitement « ce qui s’est passé » puisqu’il a été le chef d’État major de l’armée, qui fournit les cadres à la société NSO fabricant ces logiciels espions. Devenu ministre, c’est encore lui qui délivre les autorisations de vente à l’étranger. La vérité est ailleurs ! Israël, avec l’aide des États-Unis et la complicité des institutions européennes, déploie une diplomatie militaro-technologique qui lui sert à nouer des relations avec les pires autocrates, y compris dans le monde arabe, pour isoler le peuple palestinien et bénéficier d’une impunité dans la poursuite de la colonisation et l’étranglement de Gaza. C’est ainsi que les dirigeants israéliens se sont achetés la neutralité, la complicité ou le soutien de pays comme l’Arabie Saoudite, le Maroc ou certains pays africains dont le Rwanda, désormais acquis à leur géopolitique.

L’autre enjeu est économique : les entreprises de cyber sécurité sont des poules aux œufs d’or. Selon le journal israélien Haaretz, l’espionnage de dix téléphones portables rapporterait la bagatelle de 500 millions d’euros. L’Union européenne et la France, qui va la présider dans quelques mois, ne peuvent pas dire qu’ils n’ont aucun moyen de rétorsion vis-à-vis d’Israël ou du Maroc puisque les accords d’association avec ces pays stipulent expressément que toute atteinte aux libertés leur vaut annulation. Mieux, jusque-là, la société NSO était détenue par un fonds financier européen, Novalpina. A la suite des révélations, celui-ci s’est auto-dissout car ses dirigeants savent qu’ils sont passibles des tribunaux pour avoir investi « dans une activité impliquée dans un scandale d’atteinte aux droits humains » selon une jurisprudence de la Cours de cassation.

La Cour de justice européenne et nos tribunaux doivent donc être saisis et une commission d’enquête internationale menée sous l’égide de l’ONU pour faire la clarté sur les agissements avérés du Maroc et bien évidemment d’Israël. La paix et la sécurité passent désormais par un contrôle strict de ces nouvelles armes numériques.

Patrick Le Hyaric (L’HD, le 5 août 2021)

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