Fédération des Pyrénées-Orientales

La Grande-Bretagne s’enfonce dans la crise. Avec une inflation à deux chiffres, une hausse sans précédent du prix de l'énergie, mais aussi des denrées alimentaires les plus basiques, le creusement des inégalités sociales mais aussi régionales, une crise du logement qui s’aggrave au fil des années, beaucoup de Britanniques se disent réduits à espérer que l’hiver soit clément. Les magasins vendent des « vêtements thermiques » pour ceux qui n’ont pas les moyens de se chauffer, et de nombreuses familles, cela fera plaisir à certain-e-s en France, ont renoncé au traditionnel roasted beef, devenu inabordable.

Dans un climat assombri par le décès de celle qui symbolisait depuis presque trois quarts de siècles l’unité de la Nation, les premiers pas de la nouvelle Première Ministre Liz Truss ont été désastreux. Comme Teresa May avant elle, elle a cherché à imiter Margaret Thatcher et n’a réussi qu’à en produire une affligeante caricature. Son populisme affecté et son chauvinisme ont déplu. Ses déclarations d’allégeance aux Etats-Unis et  sa défiance affichée à l’égard de l’Europe en général et de la France en particulier, elle qui avait voté contre le Brexit, l’ont isolée et donné d’elle l’image d’une personne à la fois changeante et arrogante.

Mais surtout, elle s’est trompée, sans doute mal conseillée, sur l’état d’esprit des milieux d’affaires. Ce sont eux qui dirigent le pays en fait. Et ils sont moins soucieux de dogmes que de stabilité. Le « mini-budget » qu’elle a tenté de mettre en place avec son chancelier de l’Echiquier Kwasi Kwarteng prévoyait une baisse considérable de l’impôt sur les sociétés ainsi que pour les foyers fiscaux les plus riches, baisse qui devait être financée par la dette publique et supposée, théorie du ruissellement oblige, permettre une reprise de l’économie. Le premier résultat a été une chute sans précédent de la Livre, et cela, ni les financiers de la City ni le patronat ne sont prêts à l’admettre. Le dogmatisme néo-libéral s’est fracassé contre le mur des pratiques éprouvées. Ce que Boris Johnson n’avait pas réussi à faire malgré son aplomb et son charisme, il était peu probable qu’une nouvelle arrivante puisse le faire passer en force.

Liz Truss  a bien été obligée d’en prendre acte, disant respecter la volonté des marchés, et a limogé le malheureux Kwasi Kwarteng, qui aura en l’occurrence servi de fusible. Reste à savoir si elle ne sera pas elle-même le prochain fusible à sauter. Avec des sondages qui donnent le Parti Conservateur battu à plate couture, les manœuvres de couloir ont commencé, les uns voulant croire que tout n’est pas encore perdu pour les Tories, les autres, sans doute plus réalistes, se préparant déjà à une traversée du désert dont ils peuvent espérer, vu la politique très droitière préconisée par l’actuelle direction du Labour, qu’elle sera courte.

Jean-Michel Galano