Les communistes s’entendent parfois reprocher d’accorder trop d’importance aux questions sociales, aux luttes pour l’emploi, le pouvoir d’achat, les salaires, et pas assez aux autres combats émancipateurs : féminisme, antiracisme, luttes contre les discriminations. Je crois que ce reproche est à la fois injuste et infondé. Plus grave, il me semble recouvrir une entreprise visant à nier le caractère fondamental de la contradiction capital-travail et les antagonismes de classe.
Une remarque de caractère historique d’abord : à chaque fois qu’il s’est agi de se différencier des organisations communistes, les partis sociaux-démocrates et les syndicats qui reprenaient leurs idées expliquaient que oui, la lutte des classes existe, mais qu’elle n’est qu’un combat émancipateur parmi beaucoup d’autres, l’émancipation humaine devant se faire contre toutes les « dominations ». C’est cette stratégie qui figure en toutes lettres dans les statuts du PS, curieusement appelée « front de classe ». Dans les années 70, le Parti communiste italien l’adopta. Elle fut proposée à l’intérieur même du PCF en 1969 par Roger Garaudy. Les statuts de la CFDT et de FO s’y réfèrent. Tout se passe comme si on se trouvait là devant une tentation permanente visant non pas à nier la lutte des classes, mais à nier son caractère universel, en la réduisant à un rapport de domination parmi les autres.
Pourtant, les faits sont là, et ils sont têtus :
Premièrement, l’engagement des communistes dans les luttes pour la libération des peuples, pour l’égalité entre hommes et femmes, pour les droits des enfants, pour la protection de la nature, pour l’accès de tous à la culture, au sport, aux loisirs, au logement, etc… n’a rien à envier à celui des autres forces politiques.
Ce qui est vrai par contre, c’est que les communistes n’ont pas toujours été à l’avant-garde de ces mouvements. Il y a d’excellents militants et militantes féministes, antiracistes, anti-impérialistes, qui ne se reconnaissent absolument pas dans l’engagement communiste, ni dans la politique d’une façon générale. Mais heureusement ! Toutes les luttes n’ont pas à être menées par le parti révolutionnaires, encore moins récupérées par lui ! Les communistes se doivent d’être à l’écoute de ce qui mûrit dans la société, s’en instruire, percevoir sous les modes passagères les aspirations nouvelles. Ils ne l’ont pas toujours fait.
Mais quand ils le font, ils sont régulièrement interpellés : on leur demande quelles sont leurs solutions, comme à tous les politiques. Et c’est là que leur parole est attendue et peut porter.
Parce qu’on peut être un excellent défenseur des locataires et opposer leurs intérêts à ceux des sans-papiers, être écologistes et se détourner des luttes contre les discriminations, être féministe et s’en prendre aux biens culturels. Les combats sociétaux sont une mosaïque. La hiérarchie des luttes est quelque chose d’objectif, que chacun peut constater. Constater que la lutte des classes est le brasier où tout le reste s’allume n’implique pas le moindre mépris pour les combats sociétaux, bien au contraire, c’est leur donner leur dimension et les replacer dans une dynamique d’action au lieu de les maintenir dans une statique de déploration victimaire. Les communistes ont pour vocation de montrer qu’ils convergent, non pas contre on ne sait quel dominateur ou bourreau mythique, mais contre des logiques qui placent le profit avant des êtres humains par ailleurs opposés entre eux.
Le mouvement social est un vivier non pas de victimes qui se plaignent mais de citoyennes et de citoyens qui prennent leurs affaires en main. Ils ont à l’égard des politiques des exigences légitimes. Ils sont insensibles à la flatterie et à la démagogie, et ont fait trop souvent ‘expérience des limites de la délégation de pouvoir. Construisons avec eux.
Jean-Michel Galano
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