Une année est passée depuis l’agression du pouvoir russe sur le territoire ukrainien. Le sang et les larmes sont revenus en Europe. Il est encore temps d’éviter le pire. Encore faut-il le vouloir. Décryptage d’un conflit très dangereux.
La guerre a toujours ses excuses et chacun va chercher dans l’histoire, parfois jusqu’à 2000 ans, les raisons de sa volonté de s’étendre au-delà de ses frontières. Le dernier conflit s’était arrêté en 2001 quand feu la Yougoslavie fut engloutie par une guerre qui vit naître plusieurs petites nations où chaque communauté s’est retranchée derrière ses murs après dix ans de conflit sanglant (plus de 200.000 morts pour 23 millions d’habitants). Les chiffres actuels concernant le conflit ukrainien sont aléatoires (évalués à plusieurs dizaines de milliers mais certainement beaucoup plus vu que les propagandes minimisent ou optimisent les pertes selon les cas). Il faut y ajouter le désarroi des populations, les privations, l’écartèlement des familles, les déportations d’enfants, sans compter la déstabilisation des échanges qui provoque dans le monde entier des souffrances collatérales en boucle. Si on y ajoute l’addition des conflits qui embrasent le monde, nous ne sommes pas sortis de l’auberge des mauvaises nouvelles.
Du côté de l’Otan, encadrée par la puissance étatsunienne, l’éventualité du conflit a été anticipée depuis mars 2004 avec le soutien logistique de la révolution « orange » dite de Maïdan pour aboutir à la réaction russe, en 2014, avec l’occupation de la Crimée et au conflit du Donbass à l’Est, à la suite d’un processus de tensions que les accords de Minsk de 2015, vite dénoncés de part et d’autre, n’ont pas pu stopper.
Menace d’un hiver nucléaire
Du côté du pouvoir russe, actant la réalité d’un encerclement militaire aux frontières, le président Poutine a pris le risque d’un conflit qui pourrait aboutir, si rien n’est fait pour l’arrêter, à une catastrophe mondiale, assortie de l’utilisation de l’arme nucléaire, un scénario qui, certes, n’est pas à l’ordre du jour, mais pourrait se produire en cas de panique de « l’agresseur agressé ».
L’aventure guerrière du pouvoir russe a provoqué un basculement de pays, hier connus pour leur tradition neutraliste, vers l’intégration à l’Otan. Le cas de la Suède, pilotée par une gouvernance politique d’extrême droite ultralibérale, est symptomatique de l’effet boule de neige des replis identitaires. L’Allemagne compte devenir rapidement le pays le plus armé de l’Europe pendant que tous les pays de l’ancien bloc de l’Est sont armés « jusqu’aux dents », particulièrement la Pologne dirigée par un pouvoir intégriste religieux qui donne une idée du triste sort réservé à l’Europe en cas de prolongement du conflit.
Fuite en avant guerrière
Du côté de la France, le budget militaire explose à hauteur de plus de 400 milliards d’euros. Le marché des armes, dans laquelle les USA jouent un rôle de leader incontesté, atteint un niveau record, sachant qu’inlassablement le président Biden exhorte les pays d’Europe de l’Ouest, particulièrement la France, connue pour sa performance logistique, à appuyer sur l’accélérateur de la production des armes en direction de l’Ukraine. Dans ce cas de figure, bien sûr, ni l’Assemblée nationale ni le Sénat ne sont consultés. On en appelle à l’union sacrée derrière le Président Macron, certains diraient comme en 1914, la fleur au fusil pour sauver la jeune démocratie ukrainienne qui, comme par miracle, crée en un temps record les conditions de son entrée dans l’Union européenne.
Reste, en appui de l’accompagnement des combats, la guerre des mots dont le dernier nous rappelle que Vladimir Poutine a vu Guerre et Paix au cinéma, rêvant d’une nouvelle « Berezina » napoléonienne dans la foulée d’une volonté qu’auraient les troupes occidentales de mettre les pieds en Russie. N’oublions pas que la gouvernance russe actuelle a intégré les règles du capitalisme décomplexé en y injectant ses propres ingrédients qui font remonter à la surface les ambitions d’un empire déchu dont il faut savoir dire le nom : la Russie impériale, avec aujourd’hui ses « wagnériens » comme hier ses « cosaques ».
Oser la paix
Cette situation critique mériterait que l’Europe, et particulièrement la France, propose clairement d’entrer dans un processus de paix avec un cessez le feu unilatéral contrôlé par l’ONU et, dans la foulée, dans des négociations diplomatiques excluant tout retour à une nouvelle tentation de conflit communautaire.
Demander la paix, contrairement à ce qu’insinuent les va-t’en guerre, ne veut pas dire acter l’agression de la Russie. Au contraire, il s’agit d’entrer dans un processus qui puisse obliger ce pays à à reprendre le chemin de la coopération avec les autres États, sortant ainsi d’un isolement mortifère. Ce n’est pas ce que propose l’Otan étatsunienne qui préfère intégrer l’Europe dans le giron de ses intérêts économiques (vente de gaz de schiste, etc.) et plonger la Russie dans le chaos de la désespérance.
Plus de 200 organisations dont la CGT et le mouvement de la paix appellent à l’arrêt inconditionnel des hostilités et la reprise de réelles négociations, dans l’esprit de ce que Jean Jaurès, figure emblématique du pacifisme aurait voulu au début du siècle dernier. Certains disent que c’est trop tôt. Pour les victimes, malheureusement, qui n’auront plus rien à dire demain, c’est déjà trop tard. Alors oui, il faut arrêter le massacre, et vite.
Yvon Huet
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