Les anciens qui, comme moi, ont connu, en 1968, cette formidable explosion sociale et sociétale, ont aussi connu une suite à la grimace avec l'élection de juin qui, un mois après deux mois de grèves et un recul substantiel du pouvoir et du patronat, a renforcé le « bleu horizon » dans l'hémicycle…
La question se pose évidemment aujourd'hui dans des termes bien différents, l'émergence d'une extrême droite arrogante enracinée dans les effets d'une déception d'une certaine gauche au pouvoir et le mouvement social s'exprimant dans une société bien différente, particulièrement démunie en matière d'indépendance industrielle à force de délocalisations et de moins disant social en boucle.
Tout se passe comme si on se retrouvait passer d'une période où après que le Parti socialiste ait dressé le tapis rouge au banquier Emmanuel Macron, ce même banquier dressait le tapis rouge pour que l'extrême-droite finisse par nous offrir le même scénario que nos voisins italiens.
On peut être en effet inquiet, d'autant qu'à gauche, même si les accords de la NUPES ont permis de resserrer les rangs sur une plate-forme minimale d'action, les appréciations d'un après Macron sont différentes, dans la méthode comme dans le contenu. Ce ne serait pas un handicap si nous n'étions pas prisonniers des institutions d'une 5e République qui donne la prime au binaire politique dont seuls les partis dominants tirent profit.
Je sais que nombre de mes amis, communistes ou non, sont inquiets de voir les conditions politiques échapper au mouvement social dont les revendications sont claires et portées avec brio par le mouvement syndical uni dans l'action.
La détestation d'Emmanuel Macron me rappelle, en plus violent, celle que les Français avaient lors d'un référendum que le Général De Gaulle avait organisé et qui avait abouti à sa démission. A l'époque, c'était la droite libérale qui avait tiré les marrons du feu pour arriver après Pompidou à la solution Giscard d'Estaing, pour faire court. Il aura fallu dix ans pour que la gauche vienne aux affaires.
Aujourd'hui, c'est un petit groupe de centre-droit qui propose une motion de censure transversale. Un hasard ? La bourgeoisie connaît ses classiques. Elle ne met jamais ses œufs dans le même panier et si le leader du moment chute, elle en trouvera un autre.
Les années passent. Le fond du tableau reste. Le capitalisme n'est pas un joujou qu'on peut éradiquer en une soirée de fête sociale. Il faut de la patience et de la détermination pour arriver à convaincre la majorité du peuple de changer la règle du jeu, obliger ceux qui tiennent réellement les cordons d'une bourse pleine aux as de lâcher prise. Tous les gouvernements de gauche européens ont été confrontés à cette question essentielle des moyens pour satisfaire les revendications populaires.
Avec tout le respect que j’ai pour François Ruffin, je peux lui assurer que ce n'est pas en mettant le président du Sénat Gérard Larcher à la diète et au piquet qu'on arrivera à imposer :
Si on veut que la gauche ne déçoive pas, il faut que le mouvement social, avec les syndicats, dans leur unité, soit assez fort et vigilant pour ne pas se faire voler la force et les sacrifices qu'il fait pour envisager un autre avenir que celui que le capitalisme financier impose avec son émissaire dévoué actuellement locataire de l'Élysée.
C'est le seul scénario que j'imagine positif, sachant l'inconstance réelle, hors de quelques moments d'allégresse manifestante, d'un gauche qui doit apprendre à ne plus jamais décevoir dans sa diversité, pour inspirer la confiance populaire. L'histoire ne faisant pas en un jour, l'important aujourd'hui, c'est avant tout de briser le mur d'un l'exécutif qui va chercher ses ordres auprès des financiers de Bruxelles pour serrer la vis à l'écrasante majorité du peuple de France.
Yvon Huet
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