Ce dimanche, l'autocrate Erdogan, élu depuis 21 ans à la tête du pays peut perdre dès le premier tour, battu par Kemal Kiliçdaroglu, candidat unique soutenu par six partis.
Son élection signerait la fin de l’ère Erdogan tant espérée par les démocrates, les laïcs, les intellectuels et les militants du peuple kurde. Les catégories populaires, longtemps séduites par le « miracle économique » promis, sont désormais confrontées à une inflation intenable. L'incurie des pouvoirs publics à venir en aide aux victimes des terribles séismes meurtriers de février pourraient être fatal à un Erdogan de plus en plus conspué.
Kemal Kiliçdaroglu est le président du CHP, le parti fondé par Mustafa Kemal Atatürk, père de la Turquie moderne et première force d’opposition à l’Assemblée. Mais il est surtout à la tête d’une coalition inédite et hétéroclite, regroupant six partis, allant de la social-démocratie aux nationalistes. Malgré que la question kurde soit très loin de faire consensus, Kemal Kiliçdaroglu a le soutien du HDP, parti prokurde de gauche actuellement 3e force d’opposition à l’Assemblée nationale, qui ne présente pas de candidat.
Plus que ça, le HPD appelle clairement à voter Kemal Kiliçdaroglu. En bref, l’ensemble de l’opposition fait bloc autour de sa candidature, réuni par le besoin de tourner une page de répression politique sanglante. Le candidat axe d’ailleurs son discours autour de cette idée : « J’apporterai le droit et la justice à ce pays. J’apporterai l’apaisement. » Avant de souhaiter la conclusion du « régime d’un seul homme » et de donner des gages aux prisonniers politiques, notamment Kurdes, en promettant la libération de Selahattin Demirtas, chef de file du HDP, incarcéré pour « propagande terroriste » depuis 2016. Une situation inédite, jamais vue depuis le début de règne d’Erdogan, d’où la tension palpable autour de ce scrutin.
Craintes de fraudes ou de coup d’État
Difficile pourtant, de dire qu’elle sera l’issue du scrutin. Si Kemal Kiliçdaroglu est donné vainqueur dans les enquêtes d’opinion, les conditions de déroulement du scrutin n’offrent pas les garanties d’une sérénité minimum. Un coup de force est toujours possible.
Erdogan est prêt à n'importante quoi traitant son adversaire « d'ivrogne » et « traînant avec des terroristes ». Poursuivant son discours avec menace « on ne le laissera pas diviser le pays ».
Des nombreux observateurs s’attendent à une fraude de 3 à 5 % du côté d’Erdogan. « Il contestera les résultats s’ils sont serrés. Les institutions lui appartiennent donc il a les mains libres pour le faire », prédit un avocat kurde voulant, par sécurité, garder l'anonymat. Beaucoup craignent la préparation d'un « coup d’État » du chef de l’AKP en cas de défaite. Tout le monde s’attend à un déploiement important de l’armée le jour des élections. Une délégation marseillaise, venue en observateur du bon déroulement des élections vient de se faire refouler à l’aéroport d’Istanbul.
Si l’un des candidats ne dépasse pas les 50 % ce dimanche, il faudra attendre le 28 mai pour connaître le dénouement de ce scrutin.
Dominique Gerbault
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