Il y a urgence ! Nous sommes tous conscients de l’extrême gravité de la situation.
Nous sommes tous sous le choc du déchaînement de violence au Proche-Orient. Nous avons tous été révoltés par l’horreur des attaques terroristes du Hamas, faisant 1 400 morts en Israël, dont 40 Français. L’horreur nous a saisi devant ces crimes à l’encontre de la population civile israélienne. Nous ne confondrons jamais cette barbarie avec la lutte du peuple palestinien pour ses légitimes droits nationaux. L’horreur nous saisit de nouveau devant le déluge de fer et de feu qui s’abat sur la population palestinienne de Gaza. C’est un massacre de masse, ce sont des crimes de guerre qui ont d’ores et déjà fait plusieurs milliers de victimes (selon les chiffres de l’UNRWA : 11 000 victimes, dont les deux tiers sont des femmes et des enfants). A cela s’ajoute le déplacement forcé de la population civile de Gaza (1,5 millions sur 2,4 millions d’habitants), les bombardements des hôpitaux et des écoles, les attaques délibérées contre les infrastructures humanitaires et de l’UNRWA, qui décompte 100 morts dans les rangs de ses agents. C’est un chiffre inédit dans un conflit. C’est un véritable effondrement humanitaire. En Cisjordanie, les colons et l’armée accentuent les pressions contre les Palestiniens. Plus de 180 Palestiniens y ont été tués depuis le 7 octobre, ajoutant aux 230 morts depuis le début de l’année.
Face à l’émotion, face aux pressions pour essentialiser le conflit, il est plus que jamais nécessaire de faire de la politique, avec comme boussoles les principes d’une politique internationale communiste: l’auto-détermination des peuples contre les dominations impérialistes, capitalistes et coloniales, le refus du « deux poids, deux mesures », fruit d’une conception impérialiste des relations internationales de la part des puissances occidentales, et d’une indignation à géométrie variable, et la défense d’une perspective d’un règlement politique des conflits, pour la paix et la justice et la solidarité internationale avec les forces qui portent ces exigences.
Les risques sont en effet majeurs, pouvant obérer toute perspective de paix ainsi que, ce qui est lié, l’avenir d’un mouvement national palestinien de libération laïc, politique et indépendant, tel qu’il s’est construit depuis 1967. Les dangers pour ce dernier sont en effet historiques : celui d’être pris en étau et en otage entre des forces qui cherchent à dévoyer le conflit sur le terrain religieux (le gouvernement Netanayou et le Hamas) d’une part et d’autre part les interconnections avec les rivalités régionales et internationales, dont les acteurs n’ont cure de l’avenir du peuple palestinien. Le conflit n’a pas commencé le 7 octobre. 56 années d’occupation, 17 années d’un blocus effroyable enfermant dans une prison à ciel ouvert 2,4 millions d’habitants, dont la moitié est au chômage, des opérations militaires permanentes et humiliantes contre le peuple palestinien, la confiscation des terres et des ressources naturelles de Cisjordanie, les coups portés contre le mouvement laïc palestinien, à l’instar de l’enfermement à vie de Marwan Barghouti, tout cela n’a fait qu’exacerber les haines alliées au sentiment d’impuissance. A cela s’ajoute le torpillage des accords de paix, depuis le massacre d’Hebron de 1994 par un fanatique juif et l’assassinat de Rabin, dont ont suivi les provocations de Sharon et le choix d’Ehud Barak de faire échouer les pourparlers de Taba en 2001, la construction du mur de la honte et l’accélération de la colonisation. Cette rage qui explique pour partie que la « rue » palestinienne et arabe puisse croire que le Hamas vient de venger un honneur trop longtemps bafoué.
Mais le 7 octobre et les semaines qui suivent marquent un tournant dangereux. Deux peuples sont pris au piège du fanatisme et d’une aspiration théocratique réactionnaire.
Il convient de revenir sur les attaques terroristes du Hamas. Le qualificatif est important. Tant par ses méthodes que par ses objectifs politiques, le Hamas n’a rien d’un mouvement de libération. Il ne s’agit ici en rien de la « violence révolutionnaire de la classe progressiste » à laquelle les dirigeants bolcheviks faisaient référence, s’appuyant à la fois un processus révolutionnaire, sur une visée d’émancipation politique et sociale, et sur une base sociale majoritaire. Le Hamas et les méthodes terroristes qu’il emploie sont à l’opposé d’une telle vision. Ce sont nos ennemis politiques. C’est une force issue des Frères musulmans. Sa charte fondatrice de 1988, toujours en vigueur, est claire. L’appendice de 2017 ne la remet pas en cause. Son programme est l’instauration d’un califat islamique, et non un Etat de Palestine indépendant. L’article 6 de la charte est, à cet égard, des plus limpides : « Le Mouvement de la résistance islamique est un mouvement palestinien spécifique qui fait allégeance à Dieu, fait de l’islam sa règle de vie et œuvre à planter l’étendard de Dieu sur toute parcelle de la Palestine. (...) En l’absence de l’islam, les luttes apparaissent, l’injustice se développe, la corruption se répand, les conflits et les guerres surviennent. » Ses méthodes et sa visée sont antisémites. Il ne vise pas seulement à la destruction de l’État d’Israël, mais au meurtre des Juifs. L’article 7 de la charte déclare « Le Mouvement de la résistance islamique aspire à l’accomplissement de la promesse de Dieu, quel que soit le temps nécessaire. L’Apôtre de Dieu — que Dieu lui donne bénédiction et paix — a dit : « L’Heure ne viendra pas avant que les musulmans n’aient combattu les Juifs (...), avant que les Juifs ne se fussent cachés derrière les pierres et les arbres et que les pierres et les arbres eussent dit : « Musulman, serviteur de Dieu ! Un Juif se cache derrière moi, viens et tue- le » ». Dans le contexte de la déréliction d’une Autorité palestinienne discréditée et sans perspective, il a certes remporté les dernières élections législatives palestiniennes de 2006. Mais son pouvoir à Gaza a bien été instauré par un coup de force, qui s’est accompagné d’une élimination physique des cadres du Fatah et d’une répression féroce contre les mouvements citoyens qui réclamaient simplement une amélioration des conditions de vie des Gazaouis. Pour le Hamas, un des objectifs est de prendre la prééminence au sein du mouvement palestinien. Toute action, toute parole qui justifie ses actions ou se tait accompagne cet objectif mortifère pour le peuple palestinien.
On ne peut pas confondre terrorisme et lutte armée nationale, ni terrorisme et mouvement populaire. Un petit retour en arrière n’est pas inutile. S’étant extirpé des gouvernements arabes qui le tenaient en tutelle, le mouvement national palestinien s’est construit sur des bases de libération populaire. La lutte armée n’a été envisagée que dans cette perspective au tournant des années 1960-1970. Les dirigeants palestiniens réutilisaient alors la tactique de la « guerre populaire prolongée » en menant des opérations de guérilla contre l’armée (et non le peuple) israélienne. L’épisode fondateur de cette résistance fut la bataille de Karameh, en mars 1968. La prise d’otages de JO de Munich de 1972 fut bien un épisode de nature terroriste, mais elle fut très largement condamnée et n’a d’ailleurs rien à voir avec la tuerie de masse du 7 octobre. Par ailleurs, la résistance populaire non armée qui s’est exprimée lors de la 1re Intifada, à travers une mobilisation populaire de masse, n’a rien à voir avec des opérations terroristes. Le Hamas s’inscrit en faux contre cette histoire de la résistance palestinienne.
Les attaques terroristes du 7 octobre sont donc bien l’expression des méthodes et des objectifs du Hamas et du Djihad islamique. Pour eux, tout Israélien est un colon par essence et tout Juif mérite la mort. Les attaques du 7 octobre sont aussi l’expression d’un échec stratégique total pour le gouvernement d’extrême droite de B. Netanyahou. Depuis 2009, après son retour au pouvoir, c’est lui qui a protégé les circuits de financement du Hamas venant du Qatar et d’autres pays. Son objectif était d’empêcher la naissance de tout État palestinien. Cette impunité organisée date de 2005, lorsqu’Ariel Sharon décide l’évacuation unilatérale de Gaza et de 2007, suite au coup de force du Hamas à Gaza. L’idée étant que pour que l’État d’Israël contrôle la Cisjordanie et empêche la naissance d’un État de Palestine, il faut que le Hamas tienne Gaza. Quels que soient les affrontements entre Israël et Gaza, Israël a toujours veillé à ne pas liquider la direction du Hamas en sachant où elle se trouvait.
Il faut prendre la mesure de ce que représente le gouvernement de Netanyahou et des impacts extrêmement dangereux de sa politique pour les peuples israélien et palestinien. Son gouvernement est un cabinet d’extrême droite, structuré autour d’ultra-orthodoxes et du sionisme religieux, qui sont en faveur d’une colonisation accélérée de la Cisjordanie, préparant son annexion pure et simple. Leur projet porte une dimension théocratique certaine : selon eux, Dieu a offert ce territoire aux Juifs et ils doivent s’y installer, aux dépens des Palestiniens. S’appuyant sur les colons, ils déploient leur politique raciste d'expulsion de Palestiniens et annoncent que la Palestine sera demain réduite à des « entités infranationales », autrement dit des bantoustans. Selon le professeur de droit Mordechai Kremnitzer, les Palestiniens passent d’une occupation militaire à un nouveau régime mis en place par les colons, ce qui conduira immanquablement à la condamnation d’Israël par la Cour internationale de justice de La Haye. Plus globalement, leur projet est de refonder l'Etat d'Israël sur des bases religieuses intégristes et ethnicistes, en remettant en cause l’ambition affichée dans la déclaration d’indépendance de mai 1948, « une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ». Haaretz titrait un de ses éditoriaux estivaux ainsi : « Netanyahou est en train de démanteler l’état d’Israël ». Il s’agit d’un véritable coup d’État identitaire. Il ne s’agit plus seulement de la loi État-nation de 2018 qui allait déjà dans ce sens qui discrimine les citoyens non juifs (une loi qui n’a pas la valeur de la déclaration d’indépendance). Il s’agit ici de brider l’État de droit, de réformer l’Éducation nationale, de mettre au pas les cadres dirigeants du système sécuritaire, d’écraser l’opposition de gauche, d’imposer le nationalisme juif comme identité nationale, de faire avancer l’annexion de la Cisjordanie et de poursuivre la neutralisation de l’Autorité palestinienne. Netanyahou veut la fin de l’Etat de droit en Israël, tel qu’il résulte de la déclaration d’indépendance. Cela explique le caractère central de ses attaques contre la Cour suprême, seul contrepoids possible à son pouvoir, et celui des mobilisations démocratiques pour la défendre.
Il faut également prendre la mesure de la crise politique et morale de la société israélienne, que ce gouvernement exacerbe. Jamais la société israélienne n’est entrée en guerre en étant aussi divisée. Depuis plusieurs mois, dans une indifférence médiatique et politique assez générale, la société israélienne, dans sa diversité et ses contradictions, manifeste massivement, après plusieurs années d’apathie, contre ce projet politique. Au cours des jours qui ont suivi le 7 octobre, il y a eu un véritable chaos dans la société. Les mouvements pro-démocratie, qui manifestaient depuis des mois, ont pris les choses en mains. Ils ont créé par exemple des centres d’aide pour les personnes qui ont été évacuées. Tout en continuant de critiquer et de rejeter tout accord avec le gouvernement d'extrême droite religieux orthodoxe, la société civile prend aujourd’hui les choses en main pour remplacer le pouvoir là où il n'est pas capable d'aider la population. Il faut aussi désormais compter avec le mouvement des familles des otages qui ont condamné l’invasion de la bande de Gaza (« cette nuit fut la pire de toutes les nuits » ses représentants ont-ils déclaré le soir du 27 octobre). Le mouvement pour la paix, si marginalisé ces dernières années, s’exprime à nouveau. On peut citer, à titre d’exemple, l’appel publié le 23 octobre des organisations de jeunesse (Jeunes communistes et ONG Mesarvot, accompagnement des objecteurs de conscience) pour un cessez-le-feu immédiat, embargo sur les armes de toutes les parties combattantes, libération de tous les otages, fin du siège de Gaza et de la colonisation, paix durable fondé sur deux États. Ce mouvement est en bute avec la répression du pouvoir, comme l’illustre l’arrestation du président du comité de suivi arabe, ancien député communiste à la Knesset, Mohammed Barakeh. Le PCF a exprimé sa solidarité envers le PC d’Israël et Hadash à cette occasion.
Le second danger, et le second tournant, tient à l’imbrication avec les tensions régionales et internationales et à la recomposition des rapports de domination et d’influences, dont le peuple palestinien est à maints égards la victime. De même que le conflit ne peut être déconnecté de l’affaiblissement organisé de l’ONU par les États, États-Unis en tête, depuis le tournant néo-conservateur des années 1990, ni des ressentiments créés par la politique à géométrie variable des pays occidentaux, qui ont condamné l’agression russe contre l’Ukraine, mais qui ont oublié le peuple palestinien et n’ont rien fait depuis des décennies pour que les gouvernements israéliens appliquent les résolutions de l’ONU. Cette organisation de l’impuissance a été dénoncée par des hauts responsables du Haut commissariat des droits de l’homme de l’ONU. Par ailleurs, les rivalités et les recompositions régionales et internationales jouent un rôle majeur. On peut mentionner les conséquences majeures que l’accord passé entre l’Arabie Saoudite et l’Iran en avril 2023 sur fond d’intérêts économiques bien compris et partagés et d’essor et d’autonomisation de ces puissances régionales. Un certain nombre d’États, depuis les accords d’Abraham de 2020, ont préféré normaliser leurs relations avec Israël, sans prêter aucun égard à la situation des Palestiniens. Erdogan brandit quant à lui l’argument religieux pour légitimer ses ambitions régionales, qui se sont manifestées dangereusement dans la région ces derniers mois : au Haut-Karabakh, à Chypre, contre les Kurdes en Syrie et en Irak. La puissance états-unienne, bousculée par ces recompositions régionales et cette autonomisation de puissances régionales misant sur une sorte de multilatéralisme, profite de la crise pour revenir au premier plan dans la région. Le régime iranien mène une politique de tensions pour prendre place dans cette recomposition des rapports de force tout en évitant d’entrer en confrontation directe avec les États-Unis.
Dans le contexte déjà brûlant d’une globalisation capitaliste en pleines convulsions, alors que des guerres ensanglantent l’Ukraine et le Caucase sur fond de rivalités entre grandes puissances pour le contrôle de l’approvisionnement énergétique du monde occidental, cette brusque montée des enchères peut rapidement dégénérer, entraînant des dynamiques difficilement maîtrisables.
Il faut donc casser l’engrenage de la guerre.
Nos revendications ont une logique : tenir la perspective de la solution d’une paix juste, éviter la montée aux extrêmes et l’essentialisation du conflit pour continuer à faire de la politique.
C’est pour cela qu’il faut être précis dans les qualificatifs employés. Nous parlons de crime de guerre et de massacre de masse. Nous parlons de déplacements forcés de la population palestinienne.
D’autres termes fleurissent, sous le coup de l’émotion et de la colère, sentiments par ailleurs compréhensibles face à la brutalité de la réaction de l’armée et du gouvernement de l’État d’Israël. Ils sont également portés par des forces qui veulent légitimer une autre voie politique que celle de la paix dans la justice, y compris par l’alliance avec des islamistes, ou bien par des forces qui pensent utile de s’en accommoder. Mais évitons d’appliquer à l’État d’Israël, parce qu’il s’agit de lui, d’autres termes que nous n’avons pas utilisés pour d’autres situations dans le monde tout aussi dramatiques, voire plus dramatiques encore. C’est le cas de « crimes contre l’humanité » ou de « génocide ». Dans nos interventions sur d’autres crises, sur les Ouigours ou sur la famine en URSS dans les années 1930, nous opposons à raison à l’emploi de tels termes, qui relèvent dans ces cas soit de la manipulation historique, soit de la manipulation politique. Nous avons toujours dit que ces qualificatifs relevaient de la justice internationale. Cela fait donc écho à notre exigence que les responsables des massacres à Gaza soient traduits devant la CPI. Pour rappel, trois génocides sont reconnus par la France : le génocide des Juifs, le génocide arménien et le génocide rwandais. Nous n’avons pas employé, pour la même raison, le terme de « crime contre l’humanité » à l’encontre d’Aliev qui a organisé l’épuration ethnique des Arméniens du Haut-Karabakh, alors que cela relève objectivement d’une telle qualification. Appliquons donc le même sérieux aux horreurs que commet Tsahal à Gaza. Ne tombons pas dans un comparatif entre l’État d’Israël et le nazisme, qui revient in fine à affaiblir et à banaliser la Shoah. Cela n’enlève rien aux massacres qui sont commis à Gaza, ni au fait qu’il y a dans le gouvernement actuel de l’État d’Israël des ministres qui réduisent les Palestiniens à des animaux. La rhétorique de membres du gouvernement est déshumanisante (appelant à la « destruction totale » et à « l’effacement » de Gaza, à la nécessité de « les achever tous » et de forcer les Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est à se réfugier en Jordanie). C’est la raison pour laquelle des experts de l’ONU évoquent la nécessité de prévenir, mais la parole officielle de l’ONU portée par l’Assemblée générale et le Secrétaire général ne parle pas de génocide en cours. La nuance est importante.
La nécessité de maintenir le cap politique, celui du cessez-le-feu et d’une perspective de paix dans le droit et la justice est une bataille politique en soi. Hélas, un certain nombre d’acteurs se réclamant de la solidarité avec le peuple palestinien y renoncent, souvent faute de perspective ; ce qui revient à se faire emporter dans une essentialisation du conflit, qui évacue toute l’histoire de la lutte du peuple palestinien pour ses droits politiques. Cela est le cas d’un certain nombre d’acteurs en France, dont le poids est visible dans le CNPJDPI, ce qui nous a conduits à ne pas signer certains des appels quand ils mêlaient dangereusement la condamnation du Hamas avec le « droit à résister ». C’est aussi le cas en dehors du CNPJDPI, avec des collectifs comme Urgence Palestine, initié à l’initiative d’Europalestine (qui a fait liste commune avec Dieudonné aux élections européennes de 2004, liste soutenue par Alain Soral) et du Parti des indigènes de la République, deux structures qui sont ouvertement antisémites. Toutes ces forces font pression sur le collectif national. Or, la charte fondatrice du collectif national, précise que parmi ses objectifs figurent « Pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, dans des États aux frontières sûres et reconnues », « Pour les droits nationaux du peuple palestinien et l’application des résolutions des Nations unies » et « Contre toutes les violences racistes en France, notamment celles qui visent des Juifs ou des Arabes ». Le fait qu’il soit impossible de faire figurer dans les appels la reconnaissance de l’Etat de Palestine va à l’encontre des principes fondateurs du collectif national. Il y a là une bataille politique d’importance à mener. Nous avons des alliés pour ce faire, dans les forces du mouvement syndical, des forces associatives et parmi les forces politiques pour nous y atteler. Mais il ne faut pas se voiler la face : il y a de fortes divergences à l’intérieur même du mouvement ouvrier. L’avenir du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien se joue maintenant.
Il se joue aussi en Europe, où des forces politiques avec lesquelles nous sommes pourtant politiquement proches. Les divisions du groupe The Left, des membres du PGE, les divergences affichées le week-end dernier lors du forum européen des forces de gauche à Madrid sont très importantes. Certaines forces considérant les actes terroristes du Hamas comme « des actions de résistance », appelant à l’éradication de l’Etat d’Israël et s’opposant à toute perspective de paix. D’autres euphémisent dangereusement les attaques terroristes du Hamas en les qualifiant « d’incidents ». C’est une fracture supplémentaire à gauche après celles apparues sur la guerre en Ukraine et le positionnement envers l’Otan. Nos prochains députés européens devront donc s’atteler à cette question dans le groupe tel qu’il sortira des élections européennes.
Pour faire bouger les lignes, il importe donc d’être à l’initiative sur des bases politiques claires, aptes à faire émerger le large rassemblement nécessaire des forces de paix.
La France peut et doit prendre des initiatives dans cette direction. Le gouvernement d’Emmanuel Macron, dans les jours qui ont suivi le 7 octobre, a poursuivi la politique d’effacement et de banalisation de la voix de la France, cristallisant d’ailleurs en partie les colères des peuples de la région. S’il fut un des premiers dirigeants à faire le voyage de Ramallah, en plus de celui de Tel Aviv, Macron a mis un mois pour appeler à un cessez-le-feu. Cependant, des fractures et des contradictions apparaissent désormais au grand jour. La politique française est écartelée entre un alignement atlantiste et la tentation de revenir à une politique indépendante. Il faut pousser ces contradictions et exiger que les récent appels au cessez-le-feu et à une solution politique se traduisent en actes. Sous pression d’une partie du corps diplomatique qui, fait rarissime, s’est exprimé à travers une lettre au président de la République pour dénoncer un alignement trop grand sur Netanyahou et pour appeler à un retour de la politique traditionnelle de la France, illustrée par le voyage de Chirac en Israël et en Palestine en 1996, la politique de la France a ces derniers jours connu une inflexion. Cela est illustré par le vote en faveur de la résolution de l’ONU du 27 octobre, en dépit du vote négatif des États-Unis, et de l’abstention de l’Allemagne et des pays d’Europe de l’Est, puis le 11 novembre par un appel à un cessez-le-feu. Cette inflexion doit être considérablement renforcée, accélérée et surtout se décliner en actions concrètes. Les prises de position d’acteurs politiques parfois éloignés de nos positions, telle celle de Dominique de Villepin sont des aides. Notre exigence de reconnaissance de l’État de Palestine, comme moyen de redonner de la vigueur à la solution à deux États, peut être poussée. Il est possible de gagner.
Je terminerai par une autre revendication. Les dirigeants palestiniens ont perdu de leur autorité morale. La libération de Marwan Barghouti, sur laquelle le PCF s’est engagé de longue date, est une des revendications que nous pouvons porter. M. Barghouti représente la continuité du combat laïc du mouvement national palestinien. Il porte une voix légitime représentée par son passé de combat dans les deux Intifadas. Il est aujourd’hui le seul capable à la fois de porter une exigence de paix et de contrer les ambitions du Hamas à l’hégémonie sur le mouvement palestinien. Il a acquis une légitimité aux yeux des populations palestiniennes, alors même qu'il n'a pas le droit de prendre la parole en public. Les sondages menés en prévision d’élections en 2021 qui n’ont pas eu lieu montraient qu’il était plus populaire que le Hamas, y compris dans la bande de Gaza. La perspective de deux États dépend d’évolutions politiques en Israël et en Palestine. En Israël, la crise politique est déjà là. Il est possible que le gouvernement tombe et que de nouvelles élections aient lieu. Par ailleurs, cela dépend également de la reconstruction d’une direction palestinienne légitime et représentant la continuité du combat politique et laïc, ce que représente M. Barghouti.
Enfin, dans notre propre pays, nous dénonçons les logiques d’instrumentalisation de ce conflit. La première réaction du gouvernement fut l’interdiction générale des manifestations, même quand elles ne représentaient aucun danger pour l’ordre public et que leurs mots d’ordre étaient clairement pour la paix. Le PCF a rappelé que le droit de manifester était un des fondements de la République. Cette décision du gouvernement a été heureusement cassée par le Conseil d’État. Nous dénonçons les agressions que des groupes fascistes contre les réunions de solidarité avec le peuple palestinien, comme cela s’est produit à Lyon samedi soir.
Il est donc nécessaire de continuer le travail de mobilisation pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, de lutter contre l’antisémitisme et tous les racismes. C’est dans cet esprit que nous irons cet après-midi manifester, comme direction du PCF, avec notre appel propre et un appel commun des forces de gauche, qui est inédit et pris à notre initiative, portant l’exigence du cessez-le-feu, la libération des otages, le démantèlement des colonies, la levée du siège de Gaza et une solution à deux Etats incluant la reconnaissance de l’État de Palestine. C’est un appel extrêmement important. Voir des forces sociales-démocrates le signer est très significatif et c’est une base pour construire le rassemblement pour la paix. Il faut poursuivre ce travail de mobilisation, cette bataille pour l’élargissement du camp de la paix. Il est d’ailleurs tout aussi significatif que cet appel fait l’objet d’attaques virulentes de ceux qui ne veulent pas d’une issue de paix dans la justice et dans le droit. Urgence Palestine dit que cet appel « est son ennemi ».
Nous avons besoin d’amplifier l’exigence de la paix, du droit et de la justice, seules aptes à permettre le large rassemblement nécessaire pour faire bouger les rapports de force. C’est aussi dans cet esprit que les fédérations du PCF ont localement agi, en étant à l’initiative partout où cela est possible d’un large rassemblement. Des élus communistes en déposant des vœux pour la paix dans des collectivités territoriales. Des modèles de tracts ont été mis à disposition des communistes. Nous allons mettre à disposition des fédérations un matériel sur la paix et le progrès social (qui sera d’ailleurs un des thèmes forts de la campagne des élections européennes) et un modèle de tract pour exiger la libération de Marwan Barghouti.
Par ailleurs, nous échangeons avec toutes les forces pour essayer de construire des fronts communs et bâtir une initiative des dépasse nos propres rangs. Notre échangeons donc sur la construction d’une démarche unitaire des forces de gauche et d’une initiative nationale. Du fait des divisions qui existent dans les forces progressistes, dans les syndicats, dans les associations, les avancées unitaires demandent donc du temps. Si nous y parvenons, cela sera une avancée décisive. Nous avions pris une première initiative dans ce sens, que nous avons fait le choix d’annuler car la date a finalement correspondu avec la première manifestation d’envergure. Nous allons dans les prochains jours reprendre ces contacts avec la volonté d’aboutir aux alentours du début du mois de décembre à la tenue d’un meeting large. L’initiative prise fin octobre par la LDH montre que c’est possible.
C’est dans ce sens, celui de l’élargissement du camp de la paix, que les communistes à se mobiliser dans les prochaines semaines.
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