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République démocratique du Congo – Une curieuse tentative de coup d’État

Le 19 mai 2024, le porte-parole de l’armée congolaise, le général Sylvain Ekenge, a annoncé qu’une tentative de coup d’État survenue dans les heures précédentes avait été « étouffée dans l’œuf ». Plus d’une semaine plus tard, les interrogations ayant accompagné cette annonce demeurent. La communication a minima des autorités congolaises ne permet pas de savoir s’il s’agit d’un putsch, d’une tentative d’assassinat, d’un Live sur les réseaux sociaux ou d’un règlement de comptes politique.

Tentative de coup d’État ou d’assassinat ?

Rembobinons le film des évènements ! Dans la nuit du 18 au mai, vers 4 h, des tirs retentissent près du palais de la Nation, siège de la présidence de Félix Tshisekedi. Le président congolais y travaille, mais habite à plusieurs kilomètres, dans une autre commune de Kinshasa. Avant d’occuper les bureaux présidentiels, la quarantaine d’hommes qui mène l’opération a attaqué la résidence de Vital Kamerhe, un puissant allié du chef de l’État. Deux policiers et un assaillant sont morts dans l’échange de coups de feu qui s’y est déroulé, rapporte le général Sylvain Ekenge. L’escouade est dirigée par Christian Malanga Musumari, le président d’un tout petit parti, principalement connu pour son activisme sur les réseaux sociaux. Dans une vidéo devenue virale, certains aspects du « coup d’État étouffé dans l’œuf » sont dévoilés. On y voit Christian Malanga Musumari, Congolais de 41 ans, naturalisé américain, entouré de plusieurs dizaines d’hommes, dont son fils Marcel Malanga, 21 ans. Il affirme avoir pris le pouvoir en brandissant le drapeau du Zaïre, l’ancien nom de la RDC. Le tout ponctué de quelques slogans comme « Zaïre Oyé ! » Cet épisode s’est tragiquement terminé le jour même, dans des circonstances non élucidées, par la « neutralisation » de Christian Malanga Musumari, celle de quatre de ses compagnons et l’arrestation « d’environ 40 autres ».

Déliquescence de l’autorité de l’État

Le clan de Vital Kamerhe a vu dans cette affaire une tentative d’assassinat contre celui qui est devenu quelques jours plus tard le président de l’Assemblée nationale. Un épisode de plus dans la vie politique tumultueuse du président de l’Union pour la nation congolaise (UNC). Après avoir été l’artisan de la « victoire » de Félix Tshisekedi à l’élection présidentielle de 2018, il a été son tout puissant directeur de cabinet pendant un an. En juin 2020, il est condamné à vingt ans de prison pour détournement de fonds, une peine réduite à treize ans de réclusion en 2021. Remis en liberté provisoire en décembre la même année, il est de nouveau jugé le 23 juin 2022, et cette fois acquitté. Il a fait son grand retour dans la vie politique congolaise en mars 2023, lorsque le président Tshisekedi l’a nommé vice-premier ministre, chargé de l’Économie nationale.

Que cela soit une tentative de coup d’État ou d’assassinat, les observateurs restent dubitatifs devant la facilité avec laquelle cette opération a été menée. Est-ce une manipulation des services congolais comme plusieurs « théories » et « analyses » sur les réseaux sociaux l’affirment ? Ou tout simplement l’expression de la déliquescence des institutions congolaises incarnées par des hommes occupés à se disputer les postes dans l’appareil d’État. Depuis la réélection de Félix Tshisekedi en décembre 2023 et la nomination d’une nouvelle Première ministre en février, on ne connaît toujours pas la composition du nouveau gouvernement.

Dans l’Est, la situation sécuritaire ne s’améliore guère et l’autorité de l’État ne s’exerce plus sur de larges territoires. Le Nord-Kivu est le théâtre d’une offensive menée depuis deux ans et demi par le mouvement rebelle du M23 soutenu par le Rwanda. Celui-ci continue de gagner du terrain malgré « l’embouteillage » de milices locales, de l’armée régulière, de compagnies militaires privées et de contingents militaires de pays plus ou moins amis du Congo. Les jeunes gens regroupés en groupe d’autodéfense appelé Wazalendo (patriotes en Kiswahili), présenté il y a quelques mois comme la panacée, sont maintenant une force de plus parmi la myriade de groupes armés qui sévissent dans l’Est. En 2021, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) en avait répertorié plus d’une centaine.

Félix Atchadé
Collectif Afrique

Article publié dans CommunisteS, n°998, 29 mai 2024.

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République démocratique du Congo – Une curieuse tentative de coup d’État

le 29 mai 2024

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