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Le billet de Jean-Michel Galano. Emeute en Grande-Bretagne : le visage du fascisme

Il fallait bien que cela arrive ; longtemps, l’extrême-droite britannique, qui plonge ses racines dans les années trente avec les milices fascistes du sinistre Misley, avait été muselée au sein du parti conservateur, qui tout en lui faisant pas mal de concessions, lui imposait réserve et souci de respectabilité. Mais la crise dans laquelle se trouve ce parti, après 14 années au pouvoir et une politique qui a enfoncé une partie croissante de la population dans la misère, l’échec patent du Brexit et de nombreux scandales, ont discrédité pour longtemps ce vieux parti, fédérateur traditionnel de la droite. Cela s’est vu aux dernières élections : un revers cinglant pour les Tories, avec une forte abstention de leur électorat traditionnel, tandis que le parti d’extrême-droite Reform, s’il n’arrivait à élire qu’un seul  député, engrangeait tout de même 9 % des voix. Et le raz de marée travailliste, s’il est réel en nombre de sièges, ne correspond nullement à l’expression d’une aspiration populaire forte : il a eu lieu par défaut.

Mais la muselière avait été brisée et les forces de haine et de violence ont pu se déchaîner au grand jour. Tous les ingrédients étaient réunis : une misère généralisée qui n’est pas seulement économique et sociale, mais aussi culturelle, avec de terribles inégalités entre les régions, des services publics à l’abandon, une crise du   logement qui jette à la rue des familles entières, la dégradation de l’habitat consécutive à celle du tissu industriel… L’exaspération était perceptible chez ce peuple fier, maltraité depuis des années par le libéralisme. Beaucoup avaient mis leurs derniers espoirs dans le Brexit. Illusions envolées !

La responsabilité des derniers dirigeants conservateurs est immense dans cette lente dérive vers les fausses solutions de l’extrême-droite : faute de mettre en place une politique de l’accueil et de l’intégration digne de ce nom, ils ont fait des migrants de véritables boucs émissaires, présentés à la population par des médias complaisants comme le source de tous les maux. Il ne manquait plus qu’une étincelle pour que tout s’allume.

L’étincelle, cela a été le meurtre épouvantable de trois fillettes par un jeune déséquilibré de 17 ans, meurtre au couteau perpétré dans des circonstances particulièrement atroces. Meurtre d’une sauvagerie inouïe et qui a soulevé d’horreur et de dégoût la nation toute entière. C’est autour de cet événement tragique que tout s’est cristallisé, car les forces d’extrême-droite ont su en faire un prétexte et l’exploiter cyniquement.

En effet, le criminel étant mineur, la loi obligeait à préserver son anonymat. Qu’à cela ne tienne ! Les fascistes britanniques, à défaut d’avoir un parti véritablement structuré, sont très expérimentés en matière de manipulation. Déjà, dans les années 70-80, ils savaient infiltrer les supporters des équipes de foot et pratiquaient le hooliganisme. Désormais, ils se concentrent sur les réseaux sociaux, où ils savent répandre les fake news et autres « vérités alternatives ». Ils ont tôt fait de présenter le criminel comme un migrant clandestin, terroriste islamiste de surcroit.

La vérité, c’est qu’il s’agit d’un jeune Gallois de Cardiff, né en Grande-Bretagne de parents Rwandais établis légalement dans ce pays. La police a fini par autoriser la diffusion d’une photo de lui, visage flouté, en uniforme scolaire, avec l’écusson de son lycée. Un Britannique comme les autres, à la peau noire comme tant d’autres, et que quelque chose dans son mental a fait déraper. Quelque chose qui n’a rien  voir avec la religion ni avec la politique, et que seule l’enquête pourra établir.

La récupération indécente de l’extrême-droite s’est traduite par les incendies de voitures, l’attaque de plusieurs des mosquées, de nombreuses agressions physiques, des confrontations extrêmement violentes entre les manifestants et la police, tout cela culminant par l’assaut donné à un hôtel censé héberger des migrants à Ritherham, près de Liverpool.

Tout cela est parfaitement abject et inexcusable. Le Premier Ministre Keir Starmer a eu parfaitement raison d’appeler à la plus grande fermeté face à ces émeutes. Car c’est le consensus social sur lequel est fondée la société britannique toute entière qui est remis en question. L’opinion publique ne s’y est pas trompée et de nombreuses voix se font entendre, notamment dans les syndicats, les mouvements d’éducation populaire et le tissu associatif, pour dire : « pas en notre nom, pas au nom de la classe ouvrière ». À Bristol, les contre-manifestants ont mis en fuite les émeutiers.

Il n’en reste pas moins que le danger est réel, et qu’une réflexion s’impose sur les nouveaux moyens que la révolution numérique met à la disposition des factieux et des manipulateurs, ainsi que sur le populisme qui leur sert de terreau. Un commentateur de LBC rappelait que les travaux du Français Gustave Lebon sur la psychologie des foules étaient toujours d’actualité. Face aux manipulations de masse, l’heure est plus que jamais au travail de terrain, à l’écoute et à la construction de perspectives démocratiques et progressistes. Cela ne vaut pas que pour la Grande-Bretagne.

Jean-Michel Galano

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Le billet de Jean-Michel Galano. Emeute en Grande-Bretagne : le visage du fascisme

le 05 août 2024

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