Bien sûr, la victoire de Trump s’inscrit dans un contexte mondial de montée des nationalismes, de la xénophobie et de la violence. Bien sûr, il y a sur toute la planète, de la Russie au Brésil en passant par l’Inde et l’Europe, quelque chose comme une marée brune, amalgame de peurs, d’irrationalisme, de soumission au chef, de recul de la citoyenneté. Bien sûr, les puissances d’argent, les lobbys des armes et les milieux d’affaires ont dépensé des sommes colossales pour soutenir Trump et Musk. Bien sûr, la campagne des Démocrates, avec un changement précipité de candidat en cours de route, a été terne et trop défensive.
Mais l’essentiel est ailleurs. Si les Démocrates ont perdu, c’est qu’ils ont laissé les questions de fond à leurs adversaires, qui ont eu toute latitude pour imposer leurs solutions simplistes. Et les questions de fond, ce sont les questions sociales : emploi, pouvoir d’achat, logement, transports, services publics. Dans un pays où l’inflation est massive, où l’insécurité est la règle, où les plus pauvres sont mis en concurrence impitoyablement, où l’inégalité dans l’accès aux soins, à l’éducation, à la sécurité est flagrante, ce qui crève les yeux c’est l’inaptitude du capitalisme à satisfaire les besoins d’une société moderne. Cette inaptitude, il fallait la dénoncer, et surtout montrer que d’autres choix et d’autres logiques sont possibles et nécessaires. Alerter sur les dangers bien réels que Trump et son équipe font courir aux femmes, aux minorités, à la paix et aux libertés fondamentales, c’était absolument nécessaire et les Démocrates l’ont fait : mais cela ne saurait suffire face à des populations confrontées au dur de la vie.
Le vote démocrate est de moins en moins un vote populaire. Il est fort dans les milieux urbains éduqués, beaucoup moins dans les quartiers populaires. Sommes-nous si loin de la situation en France ? Il y a quelques années, certains idéologues de la social-démocratie proposaient à la gauche d’abandonner définitivement le monde ouvrier à l’extrême-droite et de se concentrer sur les classes moyennes et supérieures, supposées indifférentes aux questions sociales et préoccupées essentiellement du sociétal, du symbolique et du virtuel. Une partie de la gauche a succombé à cette tentation. Faut-il s’étonner des conséquences ?
Impuissant à résoudre sa crise structurelle, le capital s’enfonce dans des choix de plus en plus nocifs pour la société, en sacrifiant l’industrie à la finance, l’emploi à l’assistanat, la paix au militarisme. Ne pas vouloir regarder ces réalités en face, c’est la défaite assurée. Et pas seulement aux États-Unis.
Jean-Michel Galano
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