Fédération des Pyrénées-Orientales

J'ai regardé le documentaire d'Arte, Barbarossa, relatant le déroulement du déferlement de la horde nazifiée du 3e Reich sur l'URSS en 1941…

Je me dis qu'après l'effroyable saignée dont ce pays a été victime (27 millions de victimes en 4 ans dont une grande part de la communauté juive de Russie qu'on a oubliée en ne pensant qu'à la Shoa) qui se sont sacrifiées de gré ou de force pour faire craquer le 3e Reich, le seul remerciement d'un « Occident » sûr de lui et dominateur, pour reprendre la formule du général De Gaulle quand il parlait d'Israël, a été une guerre froide qui a enfoncé ce grand pays dans l'isolement dont il ne s'est pas remis. L'implosion qui a suivi l'écroulement de l'URSS a fait croire à certains que la démocratie fleurirait en Russie comme un muguet du 1er mai.

C'est l'inverse qui s'est produit. Pourquoi ? Parce que la règle du jeu capitaliste intégrée à la nouvelle Russie désormais dotée d'une bourse des valeurs marchandes a intégré les aspirations d'un empire tsariste, religieux, vertical et autoritaire qu'on croyait enterré à jamais. Lénine l'a fait partir par la porte. Elle est revenue par la fenêtre. Les causes ? Le Stalinisme certainement, mais cela ne suffit pas. L'obsession de l'encerclement, qui a été vécu dès les débuts de la révolution d'Octobre, a perduré pendant toute la période soviétique. Elle a créé ce qu'on pourrait appeler une fabrique de bombes à retardement. La Russie a toujours vécu ce genre de situation, ne l'oublions pas avec les Français comme avec les Allemands. Le chaos et la défaite d'abord. La contre-attaque par la suite et une victoire obligeant la reconnaissance au forceps, quel qu'en soit le prix.

Une civilisation blessée fait toujours payer aux autres ce qu'on lui a fait, où que ce soit sur notre bonne vieille terre, à moins qu'elle ait été totalement éradiquée ou presque, comme les Indiens d'Amérique. C'est en fait une règle naturelle qui va au-delà du genre humain, mais c'est une autre histoire. Ceux qui ont vécu depuis l'après-guerre de 1945 jusqu'à maintenant, dans un confort qui leur faisait croire qu'ils pourraient être à l'abri de tout grâce au parapluie américain, pour être clair, peuvent commencer à déchanter. L'avenir de l'humanité est plus qu'incertain et l'Europe qui se targue d'échapper encore aux effets meurtriers de l'utilisation du matériel de guerre qu'elle fabrique  elle-même pour la vendre aux plus offrants, la France en tête, n'est pas à l'abri d'une mauvaise surprise.

Le film récurrent d'une Ukraine démocratique face à une Russie totalitaire ne marche pas. L'enjeu est plutôt de savoir si oui ou non les populations du centre de l'Europe seront ou non capables de sortir, de leurs vapeurs nationalistes, mauvaises réponses à la pression d'une Russie qui, aujourd'hui, pratique certes la même logique que l'OTAN (Je tire d'abord et je discute après) mais ne peut sortir de son traumatisme que par une remise en cause d'une logique de défiance héritée de la guerre froide. Qu'on le veuille ou non, la balle est dans le camp de l'Europe. Ou elle s'enfonce dans une guerre longue dont mes enfants et petits-enfants sortiront perdants ou elle commence enfin à négocier non pas un existant frustrant mais une perspective de paix à reconstruire, de part et d'autre, en faisant tomber le mur de la haine.

Entre les Europes et la Russie peuvent se construire des ponts passionnants de coopération dont pourrait bénéficier le monde entier. Je rêve ? Certainement. Mais entre l'existant qui nous prépare peut-être pire que Barbarossa est bien moins intéressant que ce rêve de fraternité humaine que je partage avec tous les pacifistes, où qu'ils soient au monde.

Yvon Huet