Fédération des Pyrénées-Orientales

J'entends et lis d'innombrables rengaines sur le passé d'une gauche qui aurait été hier encombrée de telles casseroles qu'elle ne mériterait plus d'exister, ce qui risque d'ailleurs, si ça con:nue dans l'ambiance actuelle, d'arriver concrètement. Un exercice récurrent qui gambade sur les réseaux sociaux au point qu'on se demande parfois si on ne devrait pas se suicider pour avoir osé militer pendant plus de 50 ans. Certes, il y a eu toujours confronta:on entre réformisme et révolu:on en regard d'une société qui aurait pu basculer vers un autre avenir que celui que nous connaissons aujourd'hui. La faute de la gauche, des communistes pour certains, des socialistes pour d'autres, et j'en passe des polémiques malsaines dans lesquelles de soi-disant intellectuels de gauche se vautrent à sa:été, dans le but de voir leur nom s’inscrire rapidement sur l’écran des médias audiovisuels, comme si c’était une commande de Bolloré et des autres qui adorent leurs idiots u:les.

La faute, toujours la faute… mais rarement une analyse sérieuse de l'évolution des sociétés, comme si l'histoire ne pouvais s'écrire qu'avec du blanc et du noir, sans même l'ombre de ses multiples doutes, et surtout jamais avec les nuances des couleurs que la nature produit avec l’absorption de la lumière et le relief qui se dégage des caprices des temps (de l’orage à la pendule). On en arrive même au point où ceux qui sont aujourd'hui les plus clairvoyants sur l'état du monde sont issus de la droite, comme Dominique de Villepin ou Pascal Boniface... Une des raisons qui l'explique, c'est le grand remplacement (mot à la mode) de la raison poli:que par l'émotion dite « sociétale » de ceWe gauche qui semble embarquée sur un bateau ivre pendant que l’extrême droite tisse sa toile révisionniste… Mon journal, l'Humanité, est farci de ceWe tendance, même si, heureusement, il ne tombe pas encore complètement dans le « people » et, reconnaissons-le, avec, souvent aussi, de bonnes analyses et reportages sur des sujets qui méritent d’être mis en valeur dans une volonté de ratisser large qu’on peut comprendre, mais qui pose autant de problèmes qu’elle en résout. Mais revenons à nos moutons noirs de la raison.

Les plus grands résistants d'hier, comme Manouchian et d'autres, avaient cette capacité de gérer la force d'un équilibre entre raison et émotion. Ce que nous disait Henri Krasucki, lorsqu'il nous racontait la libéra:on du camp de Buchenwald, c'était bien cela, savoir maîtriser ses sentiments en u:lisant ses cellules grises dans les moments les plus aigus des crises de société où il faut sauver sa peau pour pouvoir sauver celle des autres. Cela permet aussi de créer les conditions d'un autre avenir que celui du néant dans lequel ce qu’on appelle trop facilement « barbarie » parce plus grave encore que cela avec le nazisme, a réduit l’être humain, qu’il soit vic:me ou bourreau.

Un autre jour, j'aimerais dire non pas je pense… mais nous pensons… avec des centaines de milliers de militants de gauche des nouvelles générations sans qu'il soit besoin de scruter le passé, à la manière d'un « tribunal du peuple » bidon à deux balles, mais en s'inspirant de l'expérience de ses limites pour essayer non pas de mieux faire, mais de pousser plus loin ces limites dans le cadre de la société qui nous est imposée pour mieux en dessiner une alternative comprise par la majorité d’un peuple qui pourrait le faire sien et non plus celui des sachants… Je sais que je rêve… Certes, mais parfois on a raison de rêver, surtout quand on n’arrive pas loin du bout du chemin en pensant à toutes celles et ceux qui nous manquent et qui n'ont pas mérité qu'on les oublie ou qu'on interprète souvent de façon péremptoire ce qu’ils auraient été ou non.

Yvon Huet